L’horreur s’est abattue sur une unité de soins psychiatriques, à l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost. Un psychiatre a été victime d’une tentative de meurtre à l’arme blanche. Il a été sauvé in extremis de l’agresseur par un commis au secrétariat, une infirmière et deux préposés. Plusieurs patients présents sur l’unité ont été témoins du drame.

Dans les heures qui ont suivi, un patient a fugué, un a signé un refus de traitement. Une autre a demandé à être euthanasiée car, dans sa dépression psychotique, la dame âgée est convaincue que tout est de sa faute. D’autres patients s’enfoncent dans leur psychose exacerbée par les cris, le sang, la terreur. Trois membres du personnel soignant régulier sont encore à leur poste. Les autres sont tous en arrêt de travail.

Cet évènement d’une violence inouïe s’ajoute à une longue liste d’agressions en tout genre, toujours traumatiques, en milieu hospitalier. Des infirmières, des infirmiers, des préposés aux bénéficiaires, des médecins urgentologues, des médecins généralistes et spécialistes, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des psychologues, des agents de sécurité en sont victimes à chaque année. Ils sont au front, dans un système rafistolé et coupé, au gré des réformes de ministres de passage. Un système qu’il faut faire fonctionner malgré tout. Malgré les espaces vétustes, non conformes aux règles de sécurité de base, sans personnel suffisant et formé pour faire face au pire.

L’hôpital doit tout absorber, tout prendre, tout guérir, tout réguler. Ce n’est pas un lieu public ordinaire. C’est le lieu de toutes les souffrances où les demandes sont illimitées.

Une multitude de raisons peuvent faire en sorte que la tension monte. Un fort pourcentage de patients aux urgences font des demandes auxquelles les soignants ne peuvent répondre. Il est difficile pour un intervenant de dire non. Il est difficile pour un patient, en situation pénible, de se faire dire non. Malgré les explications et toute la bonne volonté possible, la frustration s’ajoute et devient colère. Les policiers amènent à l’hôpital des gens agités, violents, intoxiqués et... ils quittent les lieux. On refile ce problème de société à l’urgence et en psychiatrie. On impose aux intervenants de répondre, quel que soit le contexte, la légitimité. On exige la qualité et l’excellence de cette réponse, se souciant peu du cadre fourni.

Les hôpitaux généraux reçoivent aussi des patients en détention, reconnus non criminellement responsables pour cause de maladie mentale. L’Institut Philippe-Pinel, lui-même grandement coupé dans ses budgets dans les dernières années, ne suffit plus à absorber cette clientèle toujours plus nombreuse ayant besoin d’un cadre sécuritaire. Ces patients se retrouvent alors en détention dans des milieux non sécurisés, côtoyant des patients vulnérables. Des unités de soins psychiatriques doivent maintenant assumer plus que jamais un rôle de prison, de contenant pour le maintien de la sécurité publique, sans moyens adaptés pour le faire.

Dans tous ces contextes, il y a inévitablement potentiel d’agressivité et de violence chez les individus à risque, surtout s’ils ont un historique de gestes violents.

Les intervenants sont alors pris au dépourvu dans des lieux où la sécurité est inexistante : on entre dans les hôpitaux par plusieurs portes, sans aucun dispositif de sécurité, pas de fouille, pas de détecteur de métal, avec quantité d’objets potentiellement dangereux à portée de main. L’hôpital est un lieu sorti de l’espace public, où le rôle des policiers est flou, où une sorte d’immunité règne.

La situation ne peut plus durer. Tous les acteurs du système doivent se sortir la tête du sable, enlever leurs lunettes roses et agir pour sécuriser nos hôpitaux. Il faut refuser les comités bidon et les rapports destinés aux tablettes. Le pire est déjà arrivé.

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