En réponse à l’éditorial de François Cardinal sur la gouvernance scolaire, « Libérez les écoles ! », publié samedi dernier

Cher Monsieur Cardinal, nous avons lu avec intérêt votre éditorial au sujet de l’abolition des commissions scolaires.

À notre avis, vous avez ignoré un élément clé dans votre analyse : les conséquences néfastes de l’abolition des commissions scolaires sur la gestion du réseau de la minorité anglophone.

Il est vrai que le projet de loi 40 ouvre la porte à la possibilité d’un modèle de gouvernance distinct pour la communauté d’expression anglaise. Cependant, le processus électoral, la composition des conseils des centres de service et le manque de pouvoirs réels de ces nouveaux centres menaceront le droit de la communauté d’expression anglaise de contrôler et de gérer ses écoles – un droit qui est extrêmement important non seulement pour la minorité anglophone au Québec, mais aussi pour les minorités francophones au Canada.

Encourager la participation démocratique

Il y a six mois, nous avons créé l’Alliance pour la promotion de l’enseignement dans les écoles publiques de langue anglaise au Québec (APPELE-Québec), une coalition de groupes communautaires réunis pour défendre la participation de notre communauté dans le projet de réforme du gouvernement.

Les principes de base qui guident notre réflexion sont la préservation du droit de vote et la pleine participation de l’ensemble de la communauté – pas seulement celle des parents d’enfants inscrits à l’école. Comme nous l’avons dit au ministre Jean-François Roberge, nous ne nous opposons pas aux changements en soi, mais nous croyons qu’il faut adopter un nouveau modèle qui encouragera la participation démocratique et conservera les pouvoirs déjà accordés aux commissions scolaires.

Malheureusement, à la lecture du projet de loi, nous nous sommes aperçus que le modèle proposé ne respectait ni nos conseils ni nos droits constitutionnels.

Le modèle impose un fardeau très lourd sur les parents bénévoles. Le processus d’élection des quatre représentants communautaires est trop complexe, car le projet de loi exige des sous-catégories pour des candidats qui seront impossibles à mettre en application. Est-ce que l’électeur anglophone devra vraiment voter pour chacune des sous-catégories en plus de choisir un représentant des parents ?

Le directeur général des élections, Pierre Reid, a également souligné la complexité et le non-respect des principes de base dans son intervention devant la commission parlementaire la semaine dernière.

De plus, comme vous le mentionnez dans votre éditorial, le ministre propose de se réapproprier plusieurs pouvoirs, et ce, au nom de la soi-disant « décentralisation ». Selon le projet de loi, le ministre pourra, par exemple, annuler les décisions des centres de service, changer les territoires de ceux-ci sans consultation et même désigner les noms des nouvelles entités. À notre avis, ces propositions visent plutôt la centralisation et sont totalement inacceptables.

Nous comprenons le désir d’augmenter les pouvoirs des conseils des écoles locales, mais il faut être réaliste.

Les écoles de la communauté anglophone sont, en général, petites (40 % ont moins de 200 élèves) et isolées. Le soutien d’une commission scolaire ou d’un centre de service puissant et efficace est donc essentiel.

Lors d’un échange devant la commission parlementaire la semaine dernière, nous avons soulevé le problème du fardeau excessif placé sur les parents qui sont obligés de siéger à la fois à un conseil d’école et au conseil d’un centre de service.

La réponse du ministre était fort inquiétante. Il nous a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un vrai problème, car les conseils des centres de service ne seront pas décisionnels, et qu’en conséquence, les membres n’auront pas beaucoup de travail à faire. Nous nous trouvons donc dans une situation qui ne respecte ni les protections constitutionnelles ni les droits des minorités linguistiques du Canada qui assurent le contrôle et la gestion de leurs réseaux scolaires.

Selon un sondage fait récemment par Léger, 89 % des répondants anglophones ont déclaré que les commissions scolaires étaient importantes pour leur communauté. 

Lors des dernières élections scolaires, malgré les importants obstacles structurels associés à l’exercice du droit de vote, 17 % des électeurs anglophones ont voté. Ce chiffre est nettement plus élevé que le 4 % que vous avez cité dans votre éditorial.

C’est dans cette optique que nous avons invité le ministre et son équipe à entamer une discussion avec les représentants de la communauté dans le but d’améliorer le projet de loi. Nous voulons à tout prix éviter une contestation juridique qui consommerait beaucoup de temps et d’argent que nous préférerions consacrer à l’amélioration des services destinés à nos élèves. Car, avant tout, notre objectif fondamental est la réussite de nos jeunes.

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