La question de l’utilisation du téléphone cellulaire dans la salle de classe est récurrente dans les réunions d’enseignants au cégep de l’Outaouais. Par-là, il faut surtout entendre non pas l’objet en lui-même, mais bien l’accès illimité à un réseau WiFi à la grandeur de l’établissement, ce qui, bien évidemment, inclut nos salles de classe. 

L’Ontario a banni le cellulaire et « la province émettra une directive à toutes les écoles publiques pour l’année scolaire 2019-2020 », ont indiqué des sources gouvernementales à La Presse canadienne. « La façon de faire respecter l’interdiction serait laissée à la discrétion de chaque conseil scolaire et de chaque école. » 

Je pense que la question mérite d’être abordée au cégep de l’Outaouais. On ne peut ouvrir un journal ou, mieux encore, une revue scientifique sans lire sur les méfaits d’une utilisation prolongée du cellulaire ou d’une fréquentation abusive des réseaux sociaux. Il s’agit d’une question de santé publique comme la cigarette l’a déjà été ou la vapoteuse est en voie de le devenir. 

Nous n’avons pas l’excuse de l’ignorance. Si nous sommes capables d’envoyer de jeunes adultes fumer dehors, peut-être pourrions-nous espacer le temps d’utilisation des cellulaires ?

À l’approche coercitive, je suggère donc une méthode plus douce qui mettrait de l’avant un virage vert. Je pense que mes élèves sont capables de comprendre qu’un cégep n’est pas un hôtel ou un McDonald’s, où l’on mesure la qualité des prestations fournies à l’aune de la vitesse de téléchargement disponible. Que nous sommes, ici, pour former aussi des citoyens sensibles à leur entourage et à la question environnementale. Que cette technologie semble nous éloigner de notre mission d’éducation au profit de l’anxiété, de l’inattention et qu’elle les plonge dans la dépression et l’échec scolaire. Je supervise assez de projets de fin d’année sur le sujet pour les sentir préoccupés.

800 millions de tonnes

Surtout, si l’environnement leur tient à cœur, ils pourraient dès maintenant faire une différence dans leur cégep en s’éloignant de façon ponctuelle de leur téléphone en réalisant que « l’usage récréatif quotidien des moteurs de recherche, le visionnage de vidéos sur internet sont générateurs de plus de gaz à effet de serre que le trafic aérien de la planète, avec plus de 800 millions de tonnes de dioxyde de carbone émis annuellement, un chiffre appelé à doubler d’ici 2020 en raison de la démocratisation des téléphones intelligents et de la progression des formats graphiques, qui font que 75 % du trafic de données sur internet est consacré au visionnage de vidéos »*. 

Nous pourrions à tout le moins réserver des espaces pour s’y adonner en dehors des salles de classe ainsi que des plages horaires pour limiter l’encombrement de la bande passante. Il ne s’agit ni d’une révolte ni d’une révolution, mais d’une démarche éducative qui s’inscrit dans notre mandat. J’ose y croire.

* Sébastien Bohler, Le bug humain, Robert Laffont, 2019

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