Les élections d’octobre ont fait ressortir, une fois de plus, le fait que le Canada demeure profondément divisé.

Les libéraux de Justin Trudeau n’ont obtenu qu’un tiers des voix et se sont vu refuser la majorité des sièges. Ils sont de plus complètement absents de l’Alberta et de la Saskatchewan, deux provinces dominées par l’industrie pétrolière. De leur côté, les conservateurs ont été incapables, hors de ces deux provinces, de mériter la confiance des Canadiens. Le NPD s’est retrouvé pratiquement confiné à la Colombie-Britannique et a ainsi perdu son statut de parti national. Enfin, le manque de confiance des Québécois à l’endroit des Trudeau, Scheer et Singh a permis aux bloquistes une remontée spectaculaire de 22 sièges, évidemment tous au Québec.

De profondes fractures tenaces continuent de se manifester entre les provinces. Dans l’Ouest, les citoyens sont en colère noire et se sentent ostracisés par le centre du pays, notamment par Toronto. De plus, les gouvernements des provinces pétrolières de l’Ouest voient le Québec comme un adversaire qui va devoir, au besoin, être rappelé à l’ordre par un diktat fédéral. Chez la majorité des Québécois, le manque de confiance dans le Canada anglophone est tel qu’une forte présence des bloquistes est vue comme essentielle pour défendre leurs intérêts légitimes à Ottawa.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le parlement à Ottawa

Tout cela a un air de déjà vu. La désillusion est telle que les citoyens voient la division au sein du pays comme étant dans l’ordre des choses.

Pour essayer de voir comment cette situation pourrait être changée, ou à tout le moins atténuée, un rappel des principaux facteurs qui l’entretiennent est nécessaire. Ce qui nous conduit à la Loi constitutionnelle du pays qui place les 10 provinces sur le même pied sous un gouvernement fédéral doté de larges pouvoirs.

C’est une conception du Canada qui est fondée sur le multiculturalisme et qui s’oppose au caractère distinct du Québec.

Elle permet en outre au gouvernement fédéral d’intervenir, au nom de l’intérêt national, dans les champs de compétence des provinces ou d’y imposer ses priorités. C’est pourquoi le Québec n’a jamais adhéré et continue de ne pas adhérer à la Constitution imposée par Pierre Elliott Trudeau.

Sur le plan de l’économie, le Canada est conçu de l’Atlantique vers le Pacifique alors que les échanges économiques s’effectuent entre le Nord et le Sud. C’est-à-dire, à contre-courant des puissantes forces économiques nord-américaines. C’est cette confrontation entre la gouverne du pays et les forces économiques qui constitue une source constante de tensions et de frictions. Qui fait du Canada un pays dysfonctionnel toujours aux prises avec de profondes fractures.

Si, pour les fins de l’analyse, il était possible de faire table rase et de formuler une nouvelle conception du Canada, le contexte contemporain et prévisible ferait naturellement en sorte que le pays soit constitué de cinq entités distinctes, chapeautées par un gouvernement fédéral assumant uniquement les missions communes essentielles. En d’autres termes, l’organisation et la gouverne du pays seraient décentralisées et permettraient dans une large mesure aux cinq entités régionales de se développer et de fonctionner selon les aspirations et la volonté de leurs citoyens.

Selon une telle orientation, le Québec serait libéré du multiculturalisme. Il pourrait en outre posséder les pouvoirs nécessaires à la protection de la culture et de la langue de la grande majorité de ses citoyens.

De leur côté, les gouvernements régionaux auraient la responsabilité de la protection de l’environnement et de la gestion des gaz à effet de serre. Ce qui aurait pour effet de placer l’Alberta et la Saskatchewan, relativement à leur pétrole, dans la même situation que le Québec au sujet de son hydroélectricité.

Ce n’est évidemment pas réaliste de penser qu’un tel changement puisse se produire dans un avenir prévisible. D’ailleurs, sans un changement profond vers une décentralisation crédible et respectueuse du caractère distinct du Québec, le sentiment de méfiance à l’endroit du Canada anglophone va se perpétuer. Si les indépendantistes ont rejeté l’option de la séparation, ce n’est pas dû à un changement d’attitude des citoyens du reste du Canada, le fameux ROC. Les réactions provoquées par les sondages favorables au Bloc québécois dans la dernière étape de la campagne ont plutôt fait ressortir une fois de plus les préjugés tenaces et l’incompréhension à l’endroit du Québec.

Ce qu’il faut souhaiter, c’est que l’un des deux grands partis politiques canadiens fasse preuve de leadership et engage le pays dans la voie de la réduction des causes des divisions et des tensions au sein du pays. Tant que Justin Trudeau sera premier ministre, c’est clair qu’il ne modifiera en rien l’héritage laissé par son père.

Pour le Parti conservateur, qui, à la suite des dernières élections, doit se réorienter et se donner un nouveau chef, ce serait un défi d’envergure, mais ce parti a su en relever dans un passé pas si lointain. Ce sont les progressistes-conservateurs de Brian Mulroney, il ne faut pas l’oublier, qui ont conclu le premier accord de libre-échange avec les États-Unis et qui ont introduit la TPS contre l’opposition des libéraux. Il y a là matière à réflexion pour les conservateurs au cours des prochains mois.

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