Les six principaux partis consacrent tous des sections importantes de leur plateforme à la question des changements climatiques. Leur lecture est instructive, mais ce qui l’est encore plus est de se demander si les stratégies envisagées pourraient fonctionner.
Nous allons voir qu’aucune de ces stratégies n’est parfaite, mais qu’elles comportent cependant toutes des bonnes choses. Un parti seulement se démarque nettement du lot, en offrant une approche qui intègre la difficile réalité du contexte canadien, tout en affichant les ambitions nécessaires et en proposant des outils crédibles, bien qu’encore insuffisants.

Parti populaire du Canada

Le parti de Maxime Bernier consacre deux pages pour tenter de dénigrer la lutte contre les changements climatiques. Il réussit une fois de plus à se discréditer sur le sujet. Plusieurs énoncés trompeurs sont imprimés, qui culminent avec l’idée que l’augmentation « des événements météorologiques catastrophiques » ne serait pas « anormale ». Ce serait donc une augmentation normale ? Difficile de suivre M. Bernier, qui n’a en fait rien à offrir de constructif sur ce sujet, sauf sa remise en cause de l’efficacité des mesures actuelles – qui sont encore largement inefficaces.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

« Aucune plateforme ne dit explicitement ce qu’il faut changer pour toucher le cœur de notre défi environnemental », écrit Pierre-Olivier Pineau.

Parti conservateur du Canada

Andrew Scheer propose un « vrai plan pour protéger notre environnement » qui est basé sur trois grandes idées : pas de taxes, des technologies « vertes » et une relativisation de la part des émissions canadiennes (en les présentant comme marginales).

En refusant l’outil économique de la tarification du carbone, le Parti conservateur renonce à utiliser la recommandation centrale de l’écrasante majorité des économistes.

Les technologies et la réglementation doivent aussi jouer un rôle. Mais penser que les plus grands consommateurs d’énergie par habitant que nous sommes (parmi les pays de plus de 10 millions d’habitants) feront les efforts nécessaires pour changer leurs habitudes sans signal de prix, c’est ne rien comprendre aux principes de base d’une économie de marché. Impossible donc d’accorder une grande crédibilité à cette approche environnementale. Un point positif dans la proposition de M. Scheer : la mise en place de contrats de performance énergétique pour les bâtiments – un outil axé sur les résultats qui est une très bonne idée.

Bloc québécois

La tentative d’innover avec une « péréquation verte » du Bloc de M. Blanchet, malgré ses bonnes intentions, est une gifle aux provinces canadiennes qui ont les plus grandes émissions par habitant : elle propose ni plus ni moins de taxer leurs émissions et d’envoyer les revenus au Québec (et aux autres provinces aux faibles émissions – l’Ontario et la Colombie-Britannique).

C’est une proposition qui est irrecevable pour plusieurs provinces.

Le Bloc s’égare aussi en s’opposant à un projet de pipeline qui n’existe plus : il affirme en effet être contre Énergie Est de TransCanada… alors que même cette entreprise (devenue TC Énergie) n’est pas en faveur de ce projet, puisqu’elle l’a abandonné. Le projecteur du Bloc sur la sécurité ferroviaire est quant à lui extrêmement pertinent : il faut en effet mettre plus de ressources dans ce secteur.

Parti vert du Canada

Le parti de Mme May promeut un rôle accru pour le transport par rail – le seul mode de transport qui permettrait de rendre accessibles les principales régions du Canada dans un monde où nos émissions de gaz à effet de serre (GES) seraient réellement à zéro. C’est une technologie complètement maîtrisée et beaucoup plus efficace que le transport routier interurbain, qui est malheureusement négligée par tous les autres partis. Ce point fort de la plateforme verte est cependant noyé par des ambitions démesurées, comme celle d’avoir 100 % d’électricité sans carbone dans toutes les provinces en 2030. Impossible dans le cas de l’Alberta, de la Saskatchewan et des provinces de l’Atlantique. Ces ambitions créeraient un schisme profond avec les provinces productrices d’hydrocarbures et celles qui ne font que les consommer.

Nouveau Parti démocratique

Comme le Parti vert, le Bloc et les libéraux, le parti de Jagmeet Singh est en faveur de plus d’efficacité énergétique dans les bâtiments, de la fin des subventions à l’industrie des hydrocarbures, de davantage de transports en commun et de plus de soutien aux véhicules à faibles émissions. Mais il sombre aussi dans l’irréalisme en visant des objectifs trop ambitieux à court terme (similaires à ceux du Parti vert), tout en promettant une aide à l’industrie automobile – qui est pourtant extrêmement importante dans la chaîne de consommation qui explique nos émissions de GES. La contribution notable du NPD dans le débat est celle de rénover tout le parc immobilier d’ici 2050 pour le rendre plus efficace, à l’aide de prêts à taux préférentiels.

Parti libéral du Canada

M. Trudeau s’engage à rendre le Canada « net zéro » émission d’ici 2050, ce qui est nécessaire sur le plan climatique, sans s’opposer de front aux producteurs d’hydrocarbures – comme tous les autres partis, sauf ceux de M. Scheer et de M. Bernier. Cela a le mérite de prendre en compte la réalité incontournable de notre pays, qui est bâti sur des provinces extrêmement différentes qui doivent continuer à fonctionner ensemble. Son plan de tarification du carbone, qui rallie le NPD et le Parti vert, est un premier pas qui a déjà été fait – même s’il faudra le renforcer.

Sur le plan environnemental, l’approche libérale est loin d’être parfaite, mais elle a le mérite de viser à englober toutes les provinces, en proposant des actions réelles.

C’est donc pour ces raisons qu’elle est la stratégie qui a le plus de chances de fonctionner.

Aucune plateforme ne dit cependant explicitement ce qu’il faut changer pour toucher le cœur de notre défi environnemental : notre aménagement du territoire est à revoir (il sera impératif de densifier les zones habitées), nous devrons couper dans la taille de notre parc automobile (pas simplement mettre des véhicules zéro-émission, mais réduire le transport routier) et nous devrons diminuer la forte teneur en protéines animales de notre alimentation. Est-ce parce que les partis n’ont pas le courage de l’exprimer, ou parce que les électeurs n’ont pas la force de l’entendre ?

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