Le 26 février dernier, en commission parlementaire, j’avais mis en garde le ministre du Travail, Jean Boulet : s’il persistait avec ses intentions législatives sans les modifier substantiellement, nous ne pourrions faire autrement que d’en contester le bien-fondé.

C’est chose faite, puisque que nous venons de déposer, en Cour supérieure, un pourvoi visant à faire déclarer inconstitutionnelles les principales modifications apportées par le ministre à la Loi sur l’équité salariale le 10 avril dernier.

La situation est carrément aberrante. On dirait une relecture du Jour de la marmotte  – version iniquité salariale –, ce film où Bill Murray est appelé à revivre sans cesse la même journée tant qu’il n’aura pas réparé ses torts envers ceux et celles qu’il a lésés.

À la différence du film cependant, le ministre et son gouvernement n’ont pas l’intention de s’amender. Résultat : comme nous l’avions fait en 2014 dans le même dossier et pour les mêmes raisons, nous contestons une loi que le gouvernement lui-même détourne de son objectif.

En principe et en toute logique, les modifications apportées par le ministre auraient dû corriger certains articles jugés inconstitutionnels par la Cour suprême en 2018, mais ce n’est pas le cas.

Le plus haut tribunal du pays avait pourtant tranché en termes très clairs que les dispositions incriminées privaient les femmes de la possibilité de réclamer des ajustements salariaux rétroactifs.

Mais voilà, les changements apportés retombent exactement dans le même travers et ramènent les parties à la case départ. Tout est à refaire. Un mauvais film, vous dis-je.

Gracieuseté du ministre et de son entêtement, les écarts salariaux discriminatoires constatés avant l’adoption des modifications à la loi, en avril 2019, ne seront pas compensés rétroactivement. Toutes les femmes qui ont été moins bien payées avant cette date ne recevront donc pas justice, malgré ce qu’avaient recommandé la Cour suprême et tous les tribunaux inférieurs, unanimement. Elles sont des milliers.

D’un côté, on prive ces femmes de leurs droits et de leur argent. De l’autre, on accorde l’amnistie aux entreprises qui les ont lésées pendant des années en se remplissant les poches à leurs dépens. C’est odieux !

Quant aux ajustements salariaux qui seront dus après avril 2019 (une rétroactivité à la Retour vers le futur), ils seront compensés par le versement d’une somme forfaitaire. Une telle façon de faire empêchera les femmes lésées d’obtenir pour les périodes en cause l’égalité réelle sur le marché du travail, quoi qu’en dise le ministre Boulet. On ne s’en étonne guère étant donné le peu de réceptivité, si ce n’est l’incompréhension, que le ministre avait témoignée à cet égard en commission parlementaire le 26 février dernier.

Le ministre Boulet a alors déclaré à propos desdites sommes forfaitaires qu’il fallait « faire en sorte que la salariée soit le plus près possible de la position dans laquelle elle aurait été, n’eût été l’écart ». Comme quoi, dans son esprit et dans celui du gouvernement, l’égalité homme-femme est une notion modulable et à géométrie variable, ce que traduisent bien les dispositions que nous dénonçons et ce pour quoi nous le faisons. C’est également la raison pour laquelle nous montons de nouveau au front avec la même farouche détermination.

Au lieu de défendre véritablement les valeurs d’égalité et d’équité contenues dans la loi, le gouvernement se comporte comme un employeur cupide, sensible aux seules considérations financières. 

Alors qu’il aurait dû suivre la voie tracée par les tribunaux et jouer pleinement son rôle de gardien des grands principes contenus dans la loi, le voilà qui perpétue les erreurs du passé et signifie aux femmes qu’elles doivent se contenter de moins. Tout cela en 2019 !

De la part d’un gouvernement qui se targue plus souvent qu’à son tour de l’importance qu’il accorde à la parité homme-femme, c’est franchement décevant.

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