À tort ou à raison, Catherine Dorion a encore déchaîné des passions en exhibant de façon militante ses poils d’aisselle devant une caméra. Que voulez-vous, la députée solidaire ne laisse personne indifférent et nombreux sont ses détracteurs qui épient ses moindres gestes et faits. 

Mais pour cette saga sur fond de pilosité, force est d’admettre que la levée de boucliers médiatique qu’elle traverse prouve que les militantes contre l’épilation touchent à une question très pertinente. Pourquoi le simple fait de voir les poils d’aisselles d’une femme provoque-t-il autant d’adversité et de dédain chez beaucoup de mâles?

Avez-vous déjà vu des hordes hargneuses de dames se déchaîner médiatiquement sur un homme parce qu’il avait montré ses aisselles buissonnantes à la télé ? Pourquoi cette indignation sélective devant l’exhibition d’une simple pilosité féminine ?

S’il est vrai que Catherine Dorion gagnerait à creuser un sillon entre son rôle de parlementaire et la militante qui sommeille en elle, force est de reconnaître aussi qu’elle a touché à un sujet dont même beaucoup de femmes ne veulent pas entendre parler. Pour cause, même si l’épilation n’est pas obligatoire, la pression masculine a presque fini par en faire une norme de l’esthétique féminine. N’en déplaise à celles qui disent s’épiler douloureusement par choix et toutes les raisons explicatives qu’elles peuvent évoquer, cette voix subliminale qui dit aux femmes d’enlever leurs poils est bien implantée dans notre imaginaire collectif.

Quand se comporter de façon tout à fait naturelle est considérée comme un affront ou un irritant par d’autres, la pression indue n’est jamais loin. Pourquoi ne pas respecter les choix des uns et des autres de s’épiler ou non, même pour ceux que la pilosité horripile ?

Mais je vais laisser Catherine se dépatouiller dans sa controverse pour vous dire pourquoi ce sujet m’interpelle autrement. Comme militant pour la sauvegarde de la biodiversité planétaire, je considère cette pratique délétère pour la faune qui squatte notre poil et qui mérite aussi d’exister. Eh oui, croyez-le ou non, ça démange le biologiste en moi de vous parler un peu de morpions.

Des morpions en voie d’extinction

L’épilation est devenue si répandue que le nombre de personnes infectées par les morpions a diminué de façon draconienne. Si la tendance se maintient, disent les scientifiques, les morpions sont menacés de disparition. Pourtant, contrairement aux rhinocéros, aux ours polaires ou aux gorilles, on lit bien peu d’articles sur le sujet.

Je vous l’accorde, pour un reportage du National Geographic, le pou de pubis est beaucoup moins photogénique qu’un béluga. Il est également plus difficile à observer dans son habitat naturel. De plus en plus difficile en fait, surtout à cause de la déforestation qui sévit dans nos caleçons.

La sonnette d’alarme est venue de gynécologues anglais et de l’entomologiste britannique Ian F. Burgess, qui n’hésitent pas à parler de catastrophe écologique imminente. Aujourd’hui, 0,2 % des gens abritent des morpions contre 2 % au début des années 2000. Sans parler des années 70, où les moustaches bien fournies des hommes se mêlaient harmonieusement aux buissons ardents ostentatoires de leurs partenaires, dans des échanges chaleureux et extrêmement salutaires pour la biodiversité.

Soulignons qu’environ 80 % des étudiants américains n’ont pratiquement plus de poils pubiens. De ce fait, le M.I.E.L. (Mouvement international pour une écologie libidinale), qui milite contre l’épilation, est aussi une organisation dont les actions ont peut-être une petite portée écologique. Malgré ce nom prédestiné, ça n’a rien à voir avec la sauvegarde des abeilles. Disons que ces gens contribuent indirectement, par leur argumentaire pour le moins touffu, à sauvegarder des bestioles indésirables qui profitent du poil animal pour y déposer leurs œufs et y fonder des familles. 

Malheureusement, en cette très glorieuse ère des crèmes épilatoires et de l’électrolyse, aujourd’hui, sur l’internet, il est plus facile de voir du monde tout nu, mais plus rare de voir quelqu’un à poil.

Ça, pour les morpions, ce n’est pas une bonne nouvelle. Ce rasage compulsif est une lame à double tranchant. Depuis qu’on est passé de la forêt vierge à la montagne Pelée, nous avons nui à cette écologie libidinale qui mettait du piquant dans nos relations. Pourtant, pas besoin d’avoir un diplôme en biologie pour savoir que les coupes à blanc, ce n’est pas bon pour la biodiversité.

Devant l’avenir incertain de ces bestioles « attachantes », le directeur du Musée d’histoire naturelle de Rotterdam, un dénommé Kees Moeliker, a pris l’initiative de collecter un maximum d’espèces de morpion avant qu’elles disparaissent. Je ne sais pas si sa méthode de collecte est au poil, mais il doit être l’un des seuls humains de la planète à sauter de joie quand il revient à la maison avec des morpions. Comme quoi, en science, quand on a la piqûre…

Au-delà des poils d’aisselles de Catherine Dorion, rappelons simplement qu’il faut protéger les milieux humides pour la biodiversité qu’ils abritent aussi. Telle est la morale de mon histoire, en ces temps où les inondations font aussi beaucoup de dommages. Bon, je dois l’avouer, si le biologiste en moi aime la biodiversité sous toutes ses formes, le conjoint ne veut pas vraiment de morpions dans sa maison.

Êtes-vous pour ou contre la sauvegarde des morpions ?

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