Au moment où l’on débat du projet de loi 21 sur la laïcité en commission parlementaire, il est impératif de souligner ses contradictions et, surtout, le glissement idéologique reflété par le texte proposé.

Un préambule au contenu préoccupant

L’examen de l’article 19 de ce projet de loi — qui vient modifier le préambule de la loi 62 en vigueur présentement — apporte des changements majeurs qui sont relativement passés sous le radar dans le débat public jusqu’à maintenant. Leurs conséquences potentielles devraient pourtant susciter de vives inquiétudes.

Un principe fondamental de notre société démocratique est remis en question alors qu’on remplace « la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles les libertés de conscience, de religion, d’opinion et d’expression, ce qui inclut la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement de rites » par « il revient au Parlement du Québec de déterminer selon quels principes et de quelle manière les rapports entre l’État et les religions doivent être organisés au Québec », en invoquant le principe de la souveraineté parlementaire.

Au lieu d’affirmer que le Québec et ses institutions « sont notamment fondés sur les principes de la primauté du droit, de la séparation de l’État et des institutions religieuses », on y spécifie que « l’État du Québec est fondé sur des assises constitutionnelles enrichies au cours des ans par l’adoption de plusieurs lois fondamentales », tout en évitant de spécifier ces dernières.

Enfin, « le Québec est une société démocratique, pluraliste et inclusive qui favorise des relations interculturelles harmonieuses » et « l’État québécois et ses institutions sont le reflet du parcours historique du Québec » sont remplacés par « la nation québécoise a des caractéristiques propres, dont sa tradition civiliste, des valeurs sociales distinctes et un parcours historique spécifique l’ayant amenée à développer un attachement particulier à la laïcité de l’État ».

On assiste ici à un changement de discours qui ébranle des principes ayant guidé le développement de la société québécoise depuis la Révolution tranquille.

Loin d’être anodine, cette approche aura des répercussions importantes, notamment sur le plan légal. À cet égard, les commissions scolaires — en tant qu’organisations responsables d’appliquer la loi dans le système éducatif public — devront vraisemblablement faire face à des poursuites judiciaires et en assumer les coûts, ce qui aura un impact sur les services donnés aux élèves.

Inapplicable dans le système scolaire

Dans le domaine de l’éducation, il est essentiel de rappeler les problèmes que poserait l’application de cette loi. À commencer par la définition même de signe religieux. En effet, quelle est la ligne de démarcation entre ce qui constitue un signe religieux et un accessoire de mode ?

Qui sera chargé de déterminer si cette ligne est franchie ? Voici le type de situation devant laquelle nous risquons de nous retrouver.

Plusieurs autres dispositions du projet de loi sont aussi incohérentes que problématiques. Comment justifier que les écoles privées subventionnées n’y seront pas soumises ? Tous les citoyens ne doivent-ils pas être égaux devant la loi ?

L’école publique montréalaise ne peut risquer d’être prise en otage par une législation qui lui imposera des normes particulières auxquelles les autres institutions ne seraient pas soumises.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi 21 est en contradiction parfaite avec la notion de vivre-ensemble, telle qu’enseignée et vécue au quotidien dans nos écoles. Au sein de notre institution, il est difficile de concevoir comment ses dispositions pourraient être appliquées. Il nous apparaît donc indispensable que le milieu scolaire en soit exclu.

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