En réaction au texte de Caroline Touzin, « La productivité bondit au privé », publié jeudi dernier.

Dans un article paru dans La Presse+ le 23 avril dernier, on apprend que les médecins qui pratiquent des interventions chirurgicales d’un jour dans le cadre d’un projet-pilote du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), en partenariat avec trois centres de chirurgie privés, estiment que leur productivité est plus élevée en clinique privée.

L’écart de productivité, mesurée par le nombre de patients opérés dans une journée, atteindrait jusqu’à 40 %, parfois même davantage. Il serait essentiellement attribuable à l’organisation des tâches en cliniques privées qui, pour différentes raisons, diffère de celle des centres hospitaliers.

Ces données ont été obtenues auprès de chirurgiens qui ont, depuis mai 2016, utilisé pour leurs patients les salles d’opération de trois cliniques privées, soit le Centre de chirurgie Rockland MD de Montréal, Opmédic à Laval et Chirurgie DIX30 à Brossard. 

Les patients dont la condition médicale le permettait ont été opérés par des médecins provenant de centres hospitaliers, dans des cliniques privées. Sans que cela ne coûte un sou de plus à ces patients, car l’opération est assurée par le régime public, les listes d’attente pour certaines interventions chirurgicales semblent avoir fondu.

Déjà, ces constats préliminaires sont porteurs d’espoir pour l’efficacité du système de santé et pour les patients en attente : des médecins plus productifs signifient des attentes plus courtes pour des opérations d’un jour et des places libérées dans les hôpitaux spécialisés, selon des chirurgiens interrogés.

Éviter un débat dogmatique

Comme tous les Québécois qui s’intéressent à la qualité de notre système de santé, nous attendons avec impatience les résultats de l’analyse en cours au sein du Ministère. Nous souhaitons vivement que le débat qui suivra évite le piège dogmatique et stérile du « public contre privé » pour se centrer sur les deux seuls véritables enjeux de l’organisation des soins de santé : d’abord le patient, sa santé et son bien-être, ensuite l’utilisation optimale des ressources rares et coûteuses du système — un autre objectif du projet-pilote du MSSS.

Pour la Fédération des chambres de commerce du Québec, c’est le financement qui définit le statut public ou privé d’une prestation de services de santé et non la propriété publique ou privée du local où les services sont fournis.

Après tout, depuis la création du régime public et universel d’assurance maladie en 1970, la prestation des services médicaux est en majeure partie exécutée par des médecins qui ont ouvert leur propre clinique, une forme d’entreprise privée individuelle ou collective. C’est le financement des services qui est public.

Dès lors que le coût d’une intervention chirurgicale est couvert par le régime public, le patient n’a que faire de savoir si le milieu où il reçoit les soins est public ou privé. Il tient à recevoir en temps opportun les services dont il a besoin, exécutés dans les règles de l’art.

Si la démonstration est faite que certaines opérations sont effectuées avec une productivité améliorée hors du milieu hospitalier, que les cliniques privées permettent de réduire l’attente, qu’elles désengorgent les salles d’opération des hôpitaux et des centres hospitaliers universitaires, alors le système de santé québécois doit faire une place accrue aux partenariats avec les cliniques privées.

La cohabitation de milieux de prestation publics et privés n’implique pas une médecine à deux vitesses. La médecine à deux vitesses s’impose quand le régime financé par les fonds publics ne parvient pas à satisfaire adéquatement les besoins de l’ensemble de la population.

Il est vraisemblable qu’une répartition judicieuse des activités entre les deux types de milieux soit, au contraire, la meilleure stratégie pour assurer aux Québécois un accès équitable aux soins dont ils ont besoin.

L’enjeu de l’accès aux soins de santé est trop important pour être sacrifié à une idéologie, quelle qu’elle soit. Le Québec a besoin de solutions qui fonctionnent. Des partenariats comme celui initié avec le projet-pilote lancé en 2016, fondés sur la complémentarité du système public et des entreprises privées, semblent en faire partie.

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