Récemment, Jagmeet Singh a reçu des conseils (non sollicités) de Canadiens souhaitant qu’il se débarrasse de son turban s’il souhaitait être considéré comme un candidat légitime aux prochaines élections. Depuis Toronto, Don Cherry a critiqué les immigrants concernant le port du coquelicot en l’honneur du jour du Souvenir. 

En revanche, IGA a glorieusement saisi l’occasion pré-temps des Fêtes pour lancer Les Inséparables : une sympathique histoire de deux enfants qui ne se connaissent pas, dont les aventures de partage de bouffe tissent une chouette complicité. « C’est comme une petite histoire d’amour entre deux compagnons gastronomiques. Nous voulions vraiment montrer le côté curieux des enfants et leur ouverture d’esprit pour encourager les gens à être inspirés à Noël et même tout au long de l’année », dit Alexis Caron-Côté, de Sid Lee. IGA a opté pour une animation ludique axée sur la curiosité fondamentale, le temps et le partage pour transformer des sentiments tels que la solitude en un acte de foi autour des connexions humaines. Soixante-dix pour cent des Canadiens sont d’accord pour dire que donner aux enfants la possibilité d’essayer des plats de différentes cultures est un bon moyen d’encourager la compréhension et le respect mutuels.

Selon EKOS, environ 40 % des Canadiens ont une vision défavorable du rythme de l’immigration et de la proportion de « minorités visibles » parmi les immigrants. Parmi les répondants qui ont déclaré qu’il y avait trop de non-Blancs parmi les immigrants nouvellement arrivés au Canada, 69 % se sont identifiés comme conservateurs, alors que seulement 15 % se sont identifiés comme libéraux. L’abondance d’immigrants en laisse plusieurs incertains et confus, et ces sentiments sont devenus déterminants aux urnes. 

Il n’y a aucun doute que le Canada reste un pays d’excellence dans lequel s’épanouir (insérer ici Yoshua Bengio, Kim Thúy, Bianca Andreescu, Dany Laferrière, Nathalie Bondil…). Plus le taux d’immigration augmente, au-delà de la rhétorique des avantages pour l’économie, plus nous devons ardemment nous attaquer à l’éléphant dans la pièce : comment coexister dans un lieu si florissant, mais avec autant d’opinions opposées ? On casse la croûte. 

On passe maintenant plus de cinq heures par semaine à consommer des médias traitant de bouffe, mais seulement quatre heures à cuisiner, selon une étude.

L’adulte moyen passe plus de temps à regarder et à consulter tout ce qui touche l’alimentation sur les médias sociaux qu’à préparer ses repas quotidiens.

Ça vous parle ? Le chef David Chang a récemment lancé une série Netflix Breakfast, Lunch & Dinner, où des célébrités mangent et découvrent les quatre coins du monde. On observe aussi un intérêt grandissant autour d’une plus grande quantité d’émissions et de livres de cuisine. 

Le Choix du Président, qui s’est arrêté pour réfléchir à notre mentalité plus individualiste en tant que société, a également réalisé une brillante série d’annonces intitulée #EatTogether, présentant un hymne qui en dit long sur la pluralité : « Un voyage insatiable à la découverte, alors que nous explorons un monde de nouveaux produits. Nous ne sommes jamais meilleurs que lorsque nous mangeons ensemble. »

La nourriture américaine et canadienne traditionnelle se fait rapidement remplacer par des salades et mets ethniques dans les écoles, les épiceries et les restaurants. UberEats a maintenant des étudiants comme clients ; des commandes de moult cultures sont livrées directement en classe.

Les parents embrassent la parentalité différemment de celle des générations passées. Ils ont voyagé avant de devenir parents et souhaitent poursuivre leurs ambitions de voyage tout en transmettant cette passion à leurs enfants. Selon un sondage Vividata, 39 % des ménages québécois comprenant un enfant de 0 à 5 ans ont effectué un voyage au cours des 12 derniers mois. La tendance est aussi croissante partout au Canada, précise Sophie Reis, auteure du livre Le guide des parents voyageurs

Cela dit, nous ne sommes toujours pas complètement à l’aise à l’idée de partager la terre de nos aïeux avec une perspective aussi béante. Et si nous utilisions une approche placebo pour tromper nos biais ?

De la même façon que nous nous persuadons que commander une salade pour le lunch est bien meilleur qu’opter pour une poutine. 

Via une approche documentaire, Whirlpool Canada a fait une accolade aux immigrants syriens il y a quelques années. Sama Al-Salihi nous parle de ses redoutables heures de lunch au Canada. Bien qu’elle préfère manger les plats traditionnels de son pays d’origine, elle a remarqué à quel point son lunch était différent de celui de ses camarades de classe.

Whirlpool a décidé de « faire face à la musique » avec Sama, en transformant une heure de dîner intimidante en une célébration des différences en faisant l’éloge de sa culture. Ils ont partagé ses plats syriens préférés avec la classe : uzee, fatayer et feuilles de vigne. Ses camarades se sont laissé porter délicieusement dans l’expérience et du même coup ont découvert du nouveau dans un espace rassurant aux côtés de Sama. Tous développèrent un sentiment instantané de fierté et de joie, pendant que Sama venait de s’ouvrir et de partager une partie d’elle-même (jamais présentée auparavant). Les étudiants ont réussi à construire de nouveaux ponts et ont eu la chance de passer de camarades de classe à amis, autour d’un repas. 

Un besoin d’appartenance

Au cœur d’un climat multiculturel effervescent et peu programmable, la peur est un sentiment naturel et compréhensible pour plusieurs. De Don Cherry à Sama, nous aspirons tous à un sentiment d’appartenance, c’est un besoin humain. Tout comme le besoin de s’alimenter et d’avoir un toit. Le sentiment d’appartenance est essentiel pour percevoir la valeur de la vie et faire face à des émotions extrêmement douloureuses. Nous avons tous le plus grand désir d’appartenance, mais nous n’avons pas forcément la capacité de distinguer une peur vilaine d’une bonne peur, ce qui nous rend parfois maladroits lorsque nous nous exprimons. 

Quels que soit le contexte, les valeurs et les expériences, nous manquons d’outils et de savoir-faire pour faire face aux imprévus et aux moments difficiles. Normal, tout cela est neuf pour tout le monde. Peut-être que nous pourrions apprendre une chose ou deux de nos tourtereaux d’IGA ? La curiosité au service de la vulnérabilité. 

Malgré les défis, les Canadiens sont considérés comme un peuple humble, mais aussi visionnaire et optimiste. Nous avons la possibilité de devenir des champions multiculturels encore plus fins et de réussir là où d’autres, tels que les États-Unis et la France, échouent immanquablement. Autour d’un (insérez votre plat de choix), on peut essayer de transformer des hoquets sociaux sensibles en microrévolutions résonnantes.

Ça va au-delà de l’augmentation des ventes au quatrième trimestre ; il s’agit ici de réétudier nos valeurs sociales fondamentales au fur et à mesure que le monde évolue, considérablement et vite. Baissons un peu le volume de nos peurs pour mieux mettre à profit notre vulnérabilité ; elle nous mènera vers des interstices et échanges rafraîchissants, et au lieu de nous éteindre, elle fera apparaître les facettes du diamant que nous sommes.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion