Au terme de ses travaux à Madrid, la COP25 sur les changements climatiques et leurs conséquences n’a réalisé aucune avancée significative.

Les négociations sont restées dans l’impasse concernant ses trois enjeux : le niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le fonctionnement du marché du carbone, et les « pertes et dommages » des pays pauvres, ce dernier enjeu peu couvert dans les médias.

Les pays pauvres, généralement situés en zone tropicale, subissent beaucoup plus les conséquences négatives des changements climatiques dus à la hausse des températures générée par les émissions de gaz à effet de serre, principalement des pays riches.

L’accord de Paris avait ainsi prévu la mobilisation de 100 milliards US par année d’ici 2020 pour aider ces pays à s’adapter aux nouvelles conditions et à réduire leurs propres émissions. Cette somme annuelle est loin d’être atteinte. De plus, selon une nouvelle analyse d’OXFAM, « les dommages décennaux imputables aux phénomènes météorologiques extrêmes ont dépassé pour la première fois la barre des 1000 milliards de dollars dans la décennie 2010, soit cinq fois plus que dans la décennie 70 ». Par ailleurs, la Banque mondiale prévoit que d’ici 2050, entre 130 et 300 millions de personnes des pays pauvres affectés par les crises climatiques seront déplacées, dont une partie cherchera à migrer vers les pays du Nord.

Non seulement les pays riches sont loin du compte en matière de réduction des émissions et de la mobilisation des fonds nécessaires aux pays pauvres, mais ils se refusent à reconnaître leur responsabilité historique dans les dégâts causés par leurs émissions, par peur de poursuites judiciaires.

Le président de Tuvalu, petit pays insulaire de Polynésie menacé de disparition par la montée du niveau de la mer, a ainsi déclaré : « Nier que des millions de personnes sont déjà affectées par les changements climatiques pourrait être considéré comme un crime contre l’humanité. »

Des données implacables

Pourtant, les données sur les émissions sont claires et implacables. Généralement, on fait mention des émissions par pays en montrant du doigt la Chine (26 %) comme premier coupable devant les États-Unis (16 %).

Pour avoir une idée plus objective de la situation, il faut plutôt mentionner les émissions par individu, du fait de la très grande différence de population entre les pays. Ainsi, selon l’organisation Climate Transparency, parmi les pays du G20, c’est l’Arabie saoudite qui est en tête des émissions par personne en équivalent gaz carbonique (20,6 t/année), suivie de l’Australie (20,8), du Canada (18,9) et des États-Unis (18,1). Les pays de l’Union européenne sont à 7,9, l’Inde a seulement 1,9, et la moyenne des pays du G20 est de 7,5. En Afrique subsaharienne, c’est inférieur à 2 t par habitant.

Et pourtant, les pays qui se sont le plus fermement opposés à tout progrès dans la reconnaissance des « pertes et dommages » des pays pauvres sont l’Arabie saoudite, l’Australie et les États-Unis, auxquels s’est joint le Brésil !

Le Réseau action climat dénonce un véritable déni de réalité de la part des pays développés et une décision hypocrite face aux besoins des communautés les plus vulnérables.

Le Canada, l’un des tout premiers émetteurs de gaz à effet de serre par personne, n’a guère pesé dans les discussions. Dans sa déclaration à la COP25, le nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, se contente de rappeler quelques mesures prises par le Canada comme l’instauration d’une taxe carbone, mais ne précise aucun échéancier de réduction chiffrée des émissions, affirmant cependant que le Canada cherchera à être carboneutre en 2050.

Cette déclaration est muette sur la question des « pertes et dommages » des pays pauvres, à part une allusion vague et théorique « à respecter nos engagements visant à soutenir les pays en développement », confirmant que le Canada est vraiment l’un des cancres de la classe.

L’impasse de la COP25 constitue un contrepied saisissant face à l’urgence climatique constatée par les scientifiques et à la mobilisation d’individus dans le monde, notamment celle des 500 000 personnes qui ont manifesté l’automne dernier dans les rues de Montréal.

Décalage dramatique

Il existe un décalage dramatique entre des dirigeants de pays tentant de s’exonérer de leurs responsabilités et ces millions de personnes, majoritairement jeunes, inquiètes de l’état de la planète et de leur propre avenir et de celui de leurs enfants.

Nous ne pouvons qu’espérer que cette mobilisation se poursuive et que la force de ces mouvements de la société civile, basés sur des évidences scientifiques, soit irréversible.

* Signataires : Robert Letendre, Nigel Martin, Mario Renaud, Nicole St-Martin et Pierre Véronneau, membres du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (GREDIC), formé d’anciens dirigeants d’ONG de coopération et d’anciens cadres de l’ACDI. Le GREDIC est affilié à l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire (OCCAH) de l’UQAM.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion