Le temps des Fêtes approche. Moi qui adore Noël, je n’ai qu’une envie : me coucher le 20 décembre et me réveiller le 8 janvier. Je ne veux pas entendre les chansons de Noël, voir des sapins décorés, des enfants déballer des cadeaux et des familles unies. Je veux passer par-dessus le temps des Fêtes.

Quand mon frère était là, Noël était magique. On se levait le matin du 25 et on courait dans les escaliers vers la montagne de cadeaux qu’il y avait sous le sapin. On a eu nos matins féériques de trop-plein de cadeaux et de la bonne bouffe de ma mère pendant 34 ans. Il y a des traditions qui ne changent pas.

Cette année, mon frère est mort. Le jour de Noël, ça fera quatre mois qu’il est parti. Quatre mois pour le commun des mortels.

Pour moi, le temps s’est arrêté le 25 août 2019 et il meurt chaque dimanche depuis.

Le cancer de mon frère était rare et excessivement violent. Il a fallu 11 mois, 11 heures sur une table d’opération et de la chimiothérapie pour réaliser que le cancer était tout simplement trop fort.

Je l’ai suivi dans son processus de fin de vie qui a duré 12 jours. Pendant ces 12 jours, il a perdu l’usage de son corps, de la parole, de sa tête. Les médecins l’ont gardé dans un état de sommeil profond jusqu’au dernier souffle. Voir la mort s’installer petit à petit sur le corps de mon petit frère a été d’une violence sans nom. Puis, le 25 août 2019, le vide. À 9 h 40, mon frère a pris son dernier souffle pendant que je lui tenais la main, lui flattais le bras et l’encourageais. « C’est correct, laisse-toi aller. » On devient quelqu’un qu’on ne connaît pas dans ces moments-là. Mes parents étaient là, regardant leur fils partir. On vit comment après ? Mes parents ne devaient pas enterrer leur fils. Je n’étais pas censée vivre sans lui.

Et si on en parlait

Le deuil avait commencé avant parce qu’un diagnostic aussi difficile que le cancer vient avec des deuils et des peurs. Depuis que je suis sur ce parcours — bon, ça ne fait pas longtemps, mais assez pour que je me demande : pourquoi je ne connais rien de cet état ? Pourquoi on n’en parle pas ? OK, il y a les fameuses étapes du deuil, pis après ? Je suis folle ou les gens meurent depuis le début des temps ?

Le deuil a fait de moi une extraterrestre. Personne ne comprend la planète sur laquelle je vis, on ne sait pas quoi me dire, ou comment agir autour de moi.

Moi non plus d’ailleurs. Mais c’est correct de ne pas comprendre ou de ne pas savoir quoi dire. Je vis le pire des cauchemars que j’aurais pu imaginer et je serai en deuil jusqu’à la fin de ma vie parce qu’il n’y a pas de fin au deuil. Ça devient partie intégrante de notre vie comme la respiration. Mais il paraît qu’on apprend à vivre avec. Pendant ce temps-là, est-ce qu’on pourrait arrêter de se mettre la tête dans le sable et en parler ouvertement ? Au pire, on pleure ensemble.

Le temps des Fêtes arrive et il y a des gens endeuillés autour de vous. Garanti. Prenez le téléphone et commencez par leur demander : « Qu’est-ce qui te ferait du bien pour Noël ? » C’est un bon début.

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