Alors qu’à la satisfaction des péquistes, Québec solidaire paie le prix des facéties de la députée de Taschereau de même que d’une posture indépendantiste factice non partagée par son électorat, l’opposition officielle libérale, elle, n’est en rien menacée de disparition.

Il serait donc tragique que la fidélité première du parti qui représente jusqu’à nouvel ordre l’alternance politique dans notre société aille désormais plus au Canada qu’au Québec.

Une vraie course

C’est en conséquence une bonne nouvelle que cette course à la direction libérale qui s’annonce, avec les débats qui devraient en résulter. On sait qu’au moins deux candidats seront en lice : la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, Dominique Anglade, et le maire de Drummondville, Alexandre Cusson.

Mme Anglade a été affaiblie par les révélations de la vérificatrice générale sur les subventions qu’elle a accordées à titre de ministre de l’Économie sous le gouvernement Couillard, de même que par son appui à la vente de Rona aux Américains. Quant à M. Cusson, c’est un inconnu dont, comment dire, le charisme ne semble pas être la première qualité.

En ce qui a trait au principal défi auquel est confronté le PLQ – se reconnecter à la majorité francophone – , les handicaps des deux candidats peuvent représenter des occasions.

Non contraint par des prises de position antérieures, Alexandre Cusson bénéficie d’une marge de manœuvre exceptionnelle à laquelle il serait avisé de ne pas renoncer trop rapidement pour satisfaire les appétits des chroniqueurs et des journalistes.

Le fait qu’elle soit une Montréalaise issue des communautés culturelles a obligé par ailleurs Mme Anglade à se donner une crédibilité additionnelle sur la question identitaire québécoise.

C’est ainsi qu’elle a été la première politicienne à se réapproprier le puissant concept de société distincte hérité de l’ancien premier ministre libéral Robert Bourassa, envoyant le message que son point de référence en ce domaine était davantage ce dernier et Jean Lesage que Philippe Couillard.

L’ADN libéral

Mme Anglade estime que l’ADN libéral se rattache aux grands projets collectifs des années 60 comme la nationalisation de l’électricité.

Son intention de ne pas renouveler la clause dérogatoire en ce qui a trait à la loi sur la laïcité ne saurait faire oublier qu’un gouvernement sous sa direction plaiderait devant les tribunaux pour le maintien de l’interdiction des signes religieux chez les personnages en position d’autorité. M. Cusson a plus ou moins laissé entendre qu’il adopterait la même position.

Ce qui a l’air d’une pirouette laissant aux tribunaux l’odieux d’invalider une loi populaire auprès des Québécois fait déjà grincer des dents ces militants libéraux qui y voient une distanciation par rapport au sacro-saint multiculturalisme canadien.

ILLUSTRATION LA PRESSE

« C’est une bonne nouvelle que cette course à la direction libérale qui s’annonce », juge Christian Dufour.

On ne saurait de fait exclure que, disposition de dérogation ou pas, la Cour suprême du Canada rende finalement une décision plus nuancée qu’on ne le prévoit sur la loi sur la laïcité, comme elle l’a déjà fait dans le domaine de l’affichage en imposant la claire prédominance du français.

Les valeurs libérales

Des militants libéraux comme Antoine Dionne-Charest, fils de l’ancien premier ministre, considèrent quant à eux la défense des droits individuels comme le cœur des valeurs libérales, version Claude Ryan.

Mettre exclusivement l’accent sur les droits individuels à la canadienne ne saurait pourtant qu’accélérer la dissolution de l’identité québécoise au sein d’un pays où règne sans partage un multiculturalisme conquérant et intolérant à l’égard de la différence québécoise.

Grands projets collectifs et société distincte ; droits individuels et multiculturalisme ; héritage de Robert Bourassa ou de Claude Ryan : où se situe au juste l’ADN libéral, au-delà de la bonne vieille recherche du pouvoir ?

Lors de l’annonce de sa candidature, M. Cusson a fait référence à la majorité francophone, expression que l’on n’entend plus souvent dans le discours public québécois et considérée désormais par certains comme clivante, voire raciste.

Le bulldozer multiculturel canadien est passé par là !

Rappelons donc que non seulement la majorité francophone existe, mais qu’elle était au cœur de l’Accord du lac Meech et est toujours porteuse en 2019 de pouvoir québécois.

Intolérant multiculturalisme

Rappelons également que les valeurs libérales québécoises ne sauraient être confondues avec un multiculturalisme canadien devenu en partie malsain parce que sans limites et intolérant à l’égard de la différence québécoise.

Ce serait toute une surprise si, sans renier son attachement aux valeurs libérales et aux droits individuels, le PLQ réussissait à se distancer du multiculturalisme canadien dans ses aspects excessifs pour en promouvoir une version québécoise plus modérée dont pourrait s’inspirer le reste du pays.

Le concept d’une société distincte inclusive, avec sa vision à elle, comme celle qui s’est exprimée dans la loi sur la laïcité, apparaît un prérequis incontournable à l’interculturalisme favorisé par M. Dionne-Charest.

Contrairement au multiculturalisme, l’interculturalisme reconnaît en effet l’existence d’une culture québécoise d’accueil, celle de la majorité francophone, vers laquelle les nouveaux arrivants sont invités à converger sans abandonner leur culture d’origine.

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