De nos jours, les punitions collectives à l’école sont illégales : chaque mesure disciplinaire doit être individualisée et adaptée à l’élève en tenant compte de son degré de responsabilité.

C’est par un sens de la justice, de l’égalité et de l’équité que le prof agit en faisant preuve de rigueur, de cohérence et de transparence. Ces valeurs semblent faire défaut au projet de loi 40 qui supprime la démocratie pour punir quelques élus scolaires.

Profiter de cette punition collective somme toute assez populaire est une subtile astuce pour faire passer moult articles qui auront un impact majeur sur l’autonomie professionnelle des enseignantes. Le féminin n’est choisi que pour souligner que 80 % du corps enseignant sont des femmes.

Les enseignantes sont-elles des citoyennes de seconde zone ? Elles ont tout supporté : le socioconstructivisme, l’intégration des élèves EHDAA, l’équité salariale contre une forte augmentation de leur tâche, une décennie d’augmentations salariales réduites à l’inflation la plus basse, une perte progressive de leur autonomie, un manque chronique de financement…

Or, le gouvernement s’évertue à répéter que les surplus budgétaires iront aux citoyens plutôt qu’aux syndicats. À travers son projet de loi 40, on assiste à la fin de la démocratie scolaire et des contre-pouvoirs ainsi qu’à une perte d’autonomie professionnelle des enseignantes par plus de microgestion au nom de la réussite à tout prix afin de rejoindre les cibles chiffrées de chaque PEVR (plan vers la réussite).

Ce qui est magique avec les statistiques, selon Mark Twain, c’est qu’il est plus facile de s’arranger avec elles, les faits étant plus têtus. L’article 34 du projet de loi 40 va jusqu’à autoriser le tripotage des notes officiellement par les directions d’école alors que notre ministre écrivait à la page 26 de son essai : « Aux prises avec un système qui encourage le nivellement par le bas et le gonflement des notes, les directions d’école et les enseignants ont un devoir de résistance ». Et ce n’est pas la seule incohérence relevée entre ledit essai et le projet de loi 40 !

Si la démocratie et la liberté sont des valeurs sociétales généralement communes, comment se fait-il que l’humain capitaliste se prive volontairement de la possibilité de vivre libre en acceptant d’entretenir des inégalités d’ordre structurel et en exigeant des individus qu’ils participent à leur propre soumission un peu comme si la dictature s’installait par consentement ? Étienne de la Boétie appelait cela la servitude volontaire, notion que Réjean Bergeron et Virginie Francoeur reprennent dans leurs premiers essais respectifs.

La progression de l’ignorance est entrée en collision avec le renoncement. Il faut transmettre des savoirs universels pour former des esprits émancipés, car un individu qui pense par lui-même pourra être un citoyen libre qui promouvra la démocratie. Félicité Robert de Lamennais écrivait : « Faut-il que le peuple soit abruti pour être gouvernable ? » Cette question doit tarauder plus d’une personne dans le contexte actuel de la marchandisation de l’éducation.

Comment rétablir l’autorité des enseignantes de nos jours ? Par de la clarté sur leur mission et par de la dignité en leur rendant leur autonomie professionnelle.

Les enseignantes doivent transmettre des savoirs fondamentaux. Leur autorité découle de la qualité de leurs savoirs. Les assommer de formations sur la gestion de classes hétérogènes ou sur la didactique ne les rendra pas meilleures. Il faut accroître leur crédibilité sur le plan des savoirs et de l’interdisciplinarité. Ce dernier mot, souvent mal défini, ne signifie pas faire un projet avec des collègues d’autres matières : il évoque la capacité de l’enseignante de français par exemple à relier un savoir à un autre savoir en histoire ou en philosophie. Et c’est cette qualité de savoir qui fera que l’enseignante n’est pas remise en question. Elle doit aussi enseigner la différence entre un savoir et une opinion dans cette quête d’autorité. Trop d’élèves pensent encore qu’un savoir est une opinion qui vaut la leur.

L’école peut être réformée à l’infini, mais si les savoirs fondamentaux ne sont pas acquis, elle restera le théâtre d’inégalités réelles que les statistiques de réussite continueront à camoufler. L’abandon progressif d’un enseignement logique et structuré a engendré des enfants en carence qui ne maîtrisent pas la langue. Un enfant qui ne maîtrise pas la langue n’accède ni à la pensée ni au monde. Il nourrit un sentiment de frustration et de rejet, qu’il finira par exprimer. Voilà où sont aussi les inégalités scolaires en plus d’être dans le magasinage consenti de l’école.

Il n’est pas question d’accuser l’école ou les enseignantes, mais bien de prouver combien le projet de loi 40 fonce dans le mur des inégalités et des reculs démocratiques.

Nelson Mandala aimait évoquer le concept dit ubuntu qui pourrait se traduire par fraternité. On peut le résumer par le dicton : « Je suis parce que tu es ». C’est cette interdépendance humaine qui nous manque comme société pour que l’éducation ne soit plus vue comme une compétition, un score de réussite, mais plutôt comme une émulation qui, selon Albert Jacquard, sollicite les meilleurs instincts humains.

En attendant ce jour, l’école du projet de loi 40 sera un théâtre de marionnettes qui rendra pérenne la désertion de la profession enseignante. L’école, c’est pourtant l’affaire de toute la société parce que c’est par elle que le monde de demain sera meilleur, démocratique et libre. Les gouvernements successifs qui malmènent les enseignantes ne devraient-ils pas solder une fois pour toutes leur contentieux moisi avec les profs ? Le projet de loi 40 n’est-il pas le projet de loi de l’école du pire qui sentirait un bouton d’acné rance à propos d’une mauvaise note ?

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