Bien que nous puissions nous réjouir de l’annulation de la réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) du ministre Simon Jolin-Barrette, nous devons demeurer vigilants quant aux enjeux qu’a soulevés l’annonce de cette réforme.

En effet, nous considérons que l’intégration des personnes immigrantes dépasse l’adéquation formation-emploi, une approche basée essentiellement sur la dimension économique afin de résoudre la pénurie de main-d’œuvre. Par ailleurs, une telle approche instrumentalise en quelque sorte le processus d’intégration pour le réduire à une dynamique d’appariement entre les personnes et les besoins des employeurs. 

S’intégrer dans une nouvelle société ne relève pas seulement d’une logique comptable. Plusieurs autres facteurs doivent être pris en compte, et nous ne pouvons pas nous contenter de faire entrer des gens dans des cases.

Il en est de même pour l’insertion socioprofessionnelle de toutes les personnes au Québec. Pensons au financement des mesures et programmes d’Emploi-Québec, qui est établi à partir des listes de métiers et professions en pénurie de main-d’œuvre. Pensons aussi aux programmes accordés aux personnes accidentées de la route ou du travail qui doivent se réorienter en fonction des « cases » qui leur sont assignées.

Soulignons que ce ne sont pas les conseillers d’orientation, ni leur ordre professionnel d’ailleurs, qui établissent ces listes. Celles-ci proviennent du gouvernement, plus précisément du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS), qui s’appuie entre autres sur la Classification nationale des professions.

Cette classification pancanadienne présente toutefois un caractère problématique. D’une part, les informations qu’elle contient ne sont pas adaptées à la réalité québécoise et leur mise à jour est laborieuse en raison des changements rapides du marché du travail. D’autre part, certains métiers et professions ne s’y retrouvent pas, alors qu’ils existent, tels que ceux liés à l’intelligence artificielle. Un autre exemple : la profession de conseiller d’orientation, pourtant réglementée par le législateur du Québec. Les analyses économiques québécoises qui en découlent ne peuvent donc être totalement justes, notamment les listes de métiers servant de critères de sélection.

Les conseillers d’orientation utilisent cette classification avec prudence. Ils doivent contextualiser et adapter l’information en fonction de l’identité de la personne qui les consulte, de ses besoins, de ses ressources et des conditions du milieu dans lequel elle évolue. Leur jugement s’appuie sur leur connaissance du système d’éducation et du marché du travail. Pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas de même lorsqu’il s’agit d’insertion socioprofessionnelle ?

La valeur et l’utilité sociale d’une personne ne se résument pas qu’à la formation qu’elle choisit. Il est possible de se réorienter quelques fois dans sa vie, c’est très sain. Les enjeux de l’insertion demeurent complexes et concernent tous les citoyens.

Nous comprenons bien l’effort d’adéquation formation-emploi pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Mais si le calcul est valable sur le plan économique, il n’en va pas de même sur le plan humain.

Notre ordre professionnel constitue un acteur important dans les secteurs de l’éducation, de l’emploi, de l’immigration, de la santé et des services sociaux. À ce titre, nous appelons le gouvernement fédéral à lancer une réforme de la Classification nationale des professions au terme du processus de consultation en cours. Nous demandons aussi au gouvernement provincial de réviser les critères de sélection associés aux différents programmes de formation et d’emploi afin de placer les besoins des employeurs et des travailleurs sur un pied d’égalité, et ce, dans un objectif d’insertion durable dans le marché du travail. En ce sens, l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation leur offre sa collaboration et son expertise pour répondre aux enjeux économiques de l’heure, dans un souci de bien-être individuel et collectif.

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