J’observe que nos récentes campagnes électorales abordent peu les rapports qu’entretient le Canada à l’étranger.

Que ce soit l’influence qu’il peut exercer sur l’échiquier géopolitique ou encore sa participation à des organismes multilatéraux, il existe un vide total dans ce registre.

Doit-on conclure que ces sujets n’intéressent pas l’électorat ou s’agit-il tout simplement d’un manque d’ambition des partis ?

Certes, les politiciens évoquent les liens que nous tissont avec nos voisins américains, mais habituellement sous la seule lentille économique.

La semaine dernière, les conservateurs ont annoncé qu’ils procéderaient à des réaménagements au programme d’aide international du Canada – des réductions de 1,5 milliard ont été tablées. La proposition a eu l’avantage d’alerter les Canadiens par rapport aux sommes colossales engagées par le Canada à l’étranger.

J’aurais préféré que les conservateurs évitent le lien entre cette annonce et les baisses d’impôts promises dans leur programme. Les cris effrayés d’initiés ont malheureusement étouffé une discussion nécessaire sur la taille du programme et les pays qu’il épaule. Les conservateurs ont proposé du même coup de concentrer l’aide internationale à une liste restreinte de pays – et pourquoi pas ? En philanthropie, le phénomène du saupoudrage a depuis longtemps cédé le pas à des interventions ciblées qui peuvent faire une réelle différence.

La proposition des conservateurs remettait aussi en question l’obsession du gouvernement Trudeau de gagner un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Les critiques ont argué que ce siège permettrait au Canada de côtoyer les cinq « puissances » que sont les membres permanents du Conseil. Vraiment ? Voici mon décompte : nous ne parlons plus aux Russes ni aux Chinois, le Royaume-Uni (pays que j’adore et où j’ai habité pendant plusieurs années) fait malheureusement preuve d’impuissance depuis 2016, et nos rapports avec les États-Unis sont d’une fragilité inquiétante. Heureusement qu’il reste la France !

Chrystia Freeland

La politique étrangère du Canada, comme jamais depuis mémoire d’homme, est étroitement associée à la personnalité et aux ambitions d’un titulaire du ministère des Affaires étrangères.

Même ses critiques vous diront que Chrystia Freeland est brillante. Mais Mme Freeland adore donner des leçons. Elle donne l’impression de prendre plaisir à accumuler des différends à l’étranger.

Dois-je rappeler que le téléphone se fait plutôt discret entre le Canada et la Chine ? C’est le résultat de cette décision pour le moins étonnante du Canada de s’être plié sans réserve à la demande des États-Unis d’enclencher un processus d’extradition de la chef des opérations financières de Huawei. 

Mme Freeland en a rajouté depuis, croyant nécessaire de partager publiquement ses états d’âme sur la crise sociale sans précédent qui sévit à Hong Kong. Je pourrais aussi évoquer Moscou et Riyad, aussi des cibles de Mme Freeland dans les réseaux sociaux.

Suis-je le seul à ne pas comprendre comment un gouvernement résolument engagé dans la lutte contre les changements climatiques puisse avoir des liens diplomatiques aussi ténus avec trois des plus importants pollueurs de la planète ?

Vous aurez probablement remarqué cette accolade entre les présidents Macron et Poutine lors des obsèques de Jacques Chirac la semaine dernière. La France comprend que M. Poutine n’est pas sur le point de gagner le prix Nobel de la paix, mais elle saisit néanmoins qu’elle doit entretenir un dialogue avec les Russes si l’Occident souhaite progresser sur des dossiers comme l’accord de dénucléarisation avec l’Iran ou la crise humanitaire en Syrie.

Le Mexique est un autre exemple où le gouvernement n’est pas cohérent. Son président, Andrés Manuel Lopez Obrador, un héros de la gauche, a augmenté les impôts pour les riches et fustigé le néolibéralisme. Mais le voici maintenant obsédé par les succès de Pemex, le géant pétrolier, pièce centrale d’un plan de relance économique pour une région appauvrie de son pays (le Tabasco). Avez-vous entendu le début d’un reproche d’Ottawa pour ce mise-tout sur un secteur polluant ?

La présence du Canada dans le G7 lui offre un perchoir privilégié pour participer à un dialogue avec ses pairs. Notre réputation dans le milieu diplomatique – bâtie au fil du travail acharné de fonctionnaires et de politiciens depuis plus de 50 ans – est celle d’un pays à la recherche des solutions constructives et respectueuses. Si l’aide internationale vous intéresse, sachez que j’en suis ravi –, mais ne perdez pas de vue la forêt en regardant les arbres.

Vous me permettrez une incursion dans le monde du hockey. Notre diplomate en chef devrait avoir le profil pour gagner le trophée Lady Bing. Mme Freeland épouse malheureusement le modèle Brad Marchand – le papier sablé avant le papier de soie. Et, ce faisant, elle attire les regards et les louanges des disciples de la méthode dure, mais elle n’aide aucunement le pays qu’elle s’est engagée à servir.

* Banquier, Michael M. Fortier a été ministre dans le gouvernement de Stephen Harper.

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