La transparence des finances publiques implique l’adoption de procédures comptables appropriées et la volonté des pouvoirs publics de montrer à tout moment la situation réelle de celles-ci, ce qu’on appelle la sincérité budgétaire.

Si le Québec a fait des pas importants sur la voie d’une meilleure transparence (périmètre comptable, comptabilité de caisse et états financiers mensuels), certains éléments empêchent encore d’avoir un portrait plus net des finances publiques.

Ils concernent l’amélioration de la qualité des prévisions budgétaires et la présentation intégrée des dépenses courantes et des dépenses de capital. Dans un cas comme dans l’autre, en effet, subsistent certaines ambiguïtés qui jettent un clair-obscur sur la situation budgétaire réelle du gouvernement.

Améliorer la qualité des prévisions budgétaires

Le domaine de la prévision budgétaire apparaît comme un secteur où une normalisation des méthodes de travail pourrait mener à une diminution de l’arbitraire gouvernemental dans la présentation des données budgétaires. 

Des variations de quelques centaines de millions en revenus ou en dépenses ne sont pas exceptionnelles. Il s’agit même de la norme tant il est difficile de prévoir avec exactitude l’évolution exacte que connaîtront ceux-ci. Il n’empêche qu’on évalue la maîtrise budgétaire d’une administration à sa capacité d’estimer correctement l’évolution de ses revenus et de ses dépenses et, par la suite, de s’assurer que ses prévisions budgétaires se matérialisent.

On ne peut pas dire cependant que les prévisions budgétaires du Québec aient récemment péché par leur précision.

En fait, l’écart entre ce qui a été prévu et ce qui a été réalisé est démesuré. Depuis 2015, le discours du budget prévoit un solde budgétaire nul (après versement au Fonds des générations) alors que la réalité, en fin d’année, montre des surplus considérables.

En effet, au cours des six dernières années, un écart d’environ 14,1 milliards s’est manifesté entre la prévision du solde budgétaire et sa réalisation. Si l’on ajoute le solde avant versements au Fonds des générations, l’écart dépasse les 25 milliards. On passe alors d’une moyenne annuelle de surplus budgétaire de 2,35 à 4,2 milliards alors qu’il ne devait pas y en avoir.

La sous-estimation systématique du solde budgétaire au cours de ces années est attribuable à une nette tendance à sous-estimer les revenus et à surestimer les dépenses. Cet excès de prudence n’est pas sans implications.

Premièrement, la sous-estimation des excédents évite au gouvernement de subir des pressions pour accroître ses dépenses et empêche l’Assemblée nationale de débattre de la meilleure manière d’utiliser les ressources additionnelles disponibles. 

Deuxièmement, si les revenus dépassent systématiquement les dépenses, les contribuables pourraient être amenés à penser que l’ampleur des prélèvements fiscaux dont ils font l’objet est supérieure aux besoins véritables de l’État et se mettre à réclamer des mesures de réduction des taxes et des impôts.

Intégrer les dépenses courantes et les dépenses de capital

Un autre élément mérite d’être souligné : le traitement différent des dépenses de fonctionnement et des dépenses de capital dans le cadre budgétaire du Québec.

En effet, comme le font d’autres provinces, le budget ne porte que sur les opérations courantes. Les immobilisations étant gérées et financées séparément, elles n’en font pas partie. Ce faisant, le portrait des finances publiques qui en résulte n’est pas complet (selon les normes du FMI) et peut masquer certains aspects inquiétants de celui-ci, par exemple que la dette continue d’augmenter alors que le gouvernement fait des surplus.

Depuis 1998, le coût entier de l’immobilisation n’a une influence sur l’excédent ou le déficit budgétaire qu’au fur et à mesure de son utilisation (par l’amortissement). On comprend que cela donne une marge de manœuvre budgétaire importante au gouvernement. La méthode de comptabilisation basée sur la séparation des dépenses de fonctionnement et des dépenses de capital, inspirée du secteur privé, conduit logiquement au financement du compte capital par emprunts et à un accroissement de la dette.

Au 31 mars 2018, la dette brute s’établissait à 200,8 milliards, soit 46,1 % du PIB. Elle représentait 48,8 % du PIB au 31 mars 2008 et 54,3 % à la même date en 2015. Elle semble donc aujourd’hui avoir un peu diminué d’importance en 10 ans après avoir connu une augmentation jusqu’en 2015.

C’est cependant récent et attribuable à une croissance économique forte plutôt qu’à une diminution des besoins d’emprunt du Québec. En effet, le Québec est engagé dans une dynamique de dépenses d’investissement annuelles, donc d’emprunts, d’environ 10 milliards pour les 10 prochaines années (Plan québécois des infrastructures). Ce faisant, le gouvernement semble faire le pari que la forte croissance économique se poursuivra alors que la plupart des études, y compris les siennes, prévoient un ralentissement.

La transparence financière, une nécessité

Pour un gouvernement, rien n’est plus dommageable que de masquer, même en utilisant des techniques comptables autorisées, la réalité des finances publiques. Il faut donner l’heure juste à la population en évitant les manipulations qui auraient pour effet de montrer une situation moins bonne qu’elle ne l’est dans le but de diminuer les attentes ou de l’embellir indûment pour montrer que tout est maîtrisé.

L’équilibre budgétaire actuel du Québec est factice et trompeur parce qu’il repose sur des prévisions trop prudentes et parce qu’il ne tient compte que d’une partie des dépenses.

Si un véritable état d’équilibre existait, les surplus ne gonfleraient pas démesurément la réserve de stabilisation, le gouvernement n’aurait pas besoin d’emprunter pour financer une partie de ses dépenses et la dette ne continuerait pas d’augmenter alors que le budget public montre des surplus.

La population a besoin d’avoir confiance dans l’information transmise par le gouvernement et particulièrement en regard de la situation financière publique. Le gouvernement doit expliquer ce qu’il fait et pourquoi il le fait.

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