Il n’existe pas de vaccin contre la peste porcine africaine (PPA). Donc, lorsque les efforts traditionnels d’endiguement échouent, facilitant sa propagation sur de vastes étendues d’Asie, le monde devrait être très préoccupé.

La PPA est endémique depuis longtemps en Afrique subsaharienne et est présente dans certaines régions d’Europe depuis des décennies. Elle est inoffensive pour les humains, mais elle est mortelle et très contagieuse chez les porcs. Elle anéantit des troupeaux entiers tout en menaçant la sécurité alimentaire et en causant des pertes économiques dévastatrices.

La maladie s’est propagée en Asie et en Europe, où les organismes de santé animale luttent pour endiguer ce qui est devenu la plus grande éclosion de maladie animale au monde. Un an après son apparition, l’épidémie a décimé près de cinq millions de porcs en Asie uniquement.

Grave menace

La maladie n’a pas atteint le Canada, mais elle représente une grave menace. Les agriculteurs canadiens se souviennent bien de la détection de plusieurs cas isolés d’encéphalopathie spongiforme bovine, communément appelée « maladie de la vache folle », dans des troupeaux de bovins canadiens entre 2003 et 2005. La maladie a fait cesser temporairement les exportations de bœuf dans plus de 30 pays. Le Réseau canadien de recherche en politiques sur le commerce des produits agricoles estime qu’elle a coûté plus de 4 milliards à l’industrie.

La crise régionale de la PPA pourrait devenir une crise mondiale si les efforts d’endiguement échouent et si un vaccin ne peut pas être mis au point à temps.

En réponse à l’éclosion de la PPA, le gouvernement fédéral intensifie ses efforts d’endiguement pour empêcher la maladie d’entrer au pays. Il a en outre investi jusqu’à 31 millions pour des chiens détecteurs supplémentaires dans les aéroports canadiens. Cela a aidé à détecter les importations illégales de produits de viande qui pourraient être contaminés et mettre les élevages de porcs canadiens à risque.

C’est un enjeu de taille. Le Canada occupe le troisième rang parmi les exportateurs de porc, générant plus de 24 milliards par année pour l’économie canadienne et contribuant à la création de plus de 100 000 emplois directs et indirects. De plus, le Canada a convoqué un forum à Ottawa en avril dernier pour discuter d’une réponse mondiale à la crise de la PPA.

Le Canada joue également un rôle de premier plan dans l’effort essentiel visant à mettre au point un vaccin efficace.

Le Fonds d’innovation en vaccins pour le bétail, appuyé par la Fondation Bill et Melinda Gates, Affaires mondiales Canada et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada, investit près de 57 millions pour accélérer la mise au point, la production et la livraison durable de nouveaux vaccins améliorés contre les maladies animales touchant les petits exploitants agricoles les plus pauvres et les plus vulnérables en Afrique et en Asie.

Par exemple, deux centres de recherche – le J. Craig Venter Institute des États-Unis et l’Institut international de recherche sur l’élevage au Kenya – reçoivent un soutien du Fonds et du Friedrich Loeffler Institute en Allemagne pour mettre au point un vaccin qui pourrait être un outil essentiel afin de freiner la propagation de la PPA et, un jour, l’éradiquer.

Le projet vise à surmonter un obstacle principal qui a rendu difficiles les efforts de mise au point d’un vaccin jusqu’à présent, soit les réponses immunitaires complexes générées par le virus chez les porcs infectés. Des techniques microbiologiques avancées rendent maintenant possibles les manipulations compliquées du virus nécessaires à la mise au point d’un vaccin sûr et efficace.

Heureusement, cet effort allait bon train avant l’apparition de l’éclosion actuelle. Les chercheurs ont fait d’importants progrès en jetant les bases qui leur permettront de manipuler la génétique du virus de la PPA. C’est là une étape clé dans la mise au point d’un virus synthétique qui peut servir à la création d’un vaccin sûr et efficace.

Au cours de l’éclosion actuelle, il est compréhensible que les pays intensifient les réponses d’endiguement connues, notamment les efforts visant à abattre les troupeaux infectés et vulnérables et à détecter les produits et sous-produits de viande contaminés aux postes frontaliers.

Il s’agit là de mesures importantes pour enrayer la propagation de la PPA, car l’éclosion actuelle a déjà fait flamber les prix du porc jusqu’à 40 % et menacé la sécurité alimentaire dans les pays touchés où le porc est un aliment de base.

En fin de compte, comme pour la plupart des maladies virales animales, la solution la plus rentable à long terme pour lutter contre la PPA est la mise au point d’un vaccin efficace.

La réalisation de cette solution est à l’horizon. La crise actuelle nous rappelle que la communauté mondiale ne peut garantir que la PPA et d’autres maladies touchant le bétail comme la peste des petits ruminants et la fièvre de la vallée du Rift resteront confinées dans des zones où elles sont endémiques depuis longtemps. Il se peut qu’elles se propagent lorsque les conditions sont propices.

La responsabilité d’intervenir est mondiale. La collaboration internationale, y compris dans le domaine de la recherche sur les vaccins, est le moyen le plus sûr d’agir face à ces menaces pour obtenir un résultat positif.

* Dominique Charron est vétérinaire et titulaire d’un doctorat en épidémiologie à l’Université de Guelph.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion