Madame la Ministre, l’église Saint-Cœur- de-Marie doit demeurer le bâti patrimonial le plus important de la Grande Allée, cette magnifique artère qui nous fait pénétrer dans l’emblématique Vieux-Québec.

Ce monument est l’unique représentant de ce style architectural sur le territoire national. Dans une lettre qu’elle vous adressait ces jours derniers, la Fédération Histoire Québec (40 000 membres) affirme que cette église de style néo-byzantin jouit d’une valeur patrimoniale nationale. « Elle contribue à l’identité paysagère, culturelle et touristique de Québec depuis maintenant près d’un siècle ».

Ce bâti patrimonial a l’appui des Québécois. Un sondage effectué en 2016 révélait que 51 % des citoyens voulaient conserver l’église, 24 % acceptaient sa démolition et 24 % étaient indifférents.

Et voilà qu’un promoteur se pointe et décide de la détruire pour la remplacer par une tour de condos résidentiels de luxe de 18 étages directement sous vos fenêtres.

Tout est étrange dans cette affaire

Comment comprendre qu’un promoteur chevronné ait complété un achat de près de 2 millions sans assurance l’autorisant à engager une telle somme ? Comment expliquer qu’un simple dégât d’eau survenu à la mi-mars ait pu provoquer des dérèglements tels qu’il fallait démolir un édifice qui a résisté à tout depuis près de 100 ans ?

Y a-t-il eu négligence ? Y avait-il d’autres problèmes non corrigés que l’incident aurait accentués ? L’expert mandaté (par qui ?) possédait-il des connaissances reconnues en matière d’assemblage de matériaux traditionnels et des caractéristiques structurelles particulières des bâtis traditionnels ? J’ai déjà vu des problèmes de structure de bâtis anciens abandonnés depuis plusieurs années causés par un mauvais drainage du sol. Jamais qu’il n’était pas possible de corriger.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

La Ville de Québec a conclu que l’église Saint-Cœur-de-Marie n’était plus sûre.

Il y a bien des choses qui ne collent pas dans cette histoire. Il faut vérifier si une stratégie méprisable bien connue, en vogue chez certains promoteurs, n’aurait pas été utilisée pour obtenir un permis de démolition : on laisse un bâtiment se détériorer pendant plusieurs années pour ensuite demander un permis de démolition afin de récupérer le terrain.

L’État ne doit pas rester dans le doute et le regret dans une situation de cette importance.

Injonction interlocutoire

Nous vous suggérons de demander à la cour d’émettre sans délai une injonction interlocutoire afin de surseoir à la démolition à peine amorcée du monument, le temps de vérifier les tenants et aboutissants de cette affaire intrigante que l’expérience nous pousse aux soupçons.

Des experts mandatés par vous et reconnus pour leurs connaissances spécifiques des bâtis anciens pourront étudier toutes les solutions possibles pour sauver cet héritage et pourront analyser ce qui mené à cette situation qui soulève des soupçons, et qui menace de nous faire perdre à jamais un élément unique de notre patrimoine bâti.

Le patrimoine bâti n’est pas une richesse renouvelable.

Chaque perte est irréversible et devrait être ressentie comme un deuil, un manquement au devoir de chaque génération de transmettre, aussi authentique que possible, cet héritage à ses enfants.

Depuis son arrivée au pouvoir, votre gouvernement fait avec diligence tout en son pouvoir pour donner un gouvernail à une barque qui n’allait nulle part depuis deux décennies. Cela implique de modifier plusieurs missions de l’État, notamment celles de la protection de notre ADN culturel dont le patrimoine bâti est l’élément le plus important après la langue et son expression la plus tangible.

C’est aussi pour son action déterminée et sa capacité de prendre rapidement les décisions qui s’imposent que votre gouvernement continue, après neuf mois, à bénéficier de l’appui puissant des Québécois qui l’ont élu.

Veuillez accepter, Madame la Ministre, l’expression de nos meilleurs sentiments.

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