L’Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ) se réjouit de la création de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.

Cette commission doit apporter des solutions concrètes et durables afin d’éviter que des situations comme la malheureuse histoire de la fillette de Granby surviennent de nouveau. À court terme par contre, il y a des enjeux urgents qui devront, selon nous, être traités en priorité par la Commission.

Comme cela fut mentionné au cours des dernières semaines, les listes d’attente en protection de la jeunesse ont atteint des records, soit jusqu’à 3000 situations d’enfants signalés en attente d’évaluation pour la province. Sur le terrain, cela représente une gestion de risque insoutenable, liée entre autres à la difficulté de trouver du personnel pour effectuer le travail d’évaluation.

À l’heure actuelle, certains centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) font même appel à des retraités dont l’expertise est reconnue pour venir leur prêter main-forte.

Ce n’est donc pas qu’une question de ressources financières, mais plutôt une question de ressources humaines. Il y a un effort collectif urgent à faire de la part de toutes les parties prenantes pour favoriser l’embauche rapide de personnel pour évaluer ces 3000 enfants.

Or, on le sait, le recrutement en protection de la jeunesse est un enjeu, entre autres parce que l’environnement et la nature du travail à effectuer dans ce domaine sont très difficiles. Il faut offrir des services dans un contexte légal et non volontaire, avec un mélange d’empathie et de fermeté, afin d’aider des parents qui ne l’ont pas demandé et qui ont parfois de la difficulté à reconnaître leurs lacunes.

Qui plus est, non seulement faut-il trouver du personnel prêt à faire face à ces défis, mais il faut aussi être en mesure de bien le former, l’encadrer et le soutenir. Une révision profonde et exhaustive des standards et normes de pratique en protection de la jeunesse est d’ailleurs nécessaire, car les conditions actuelles ne permettent pas aux travailleurs d’aider adéquatement les enfants. La reddition de comptes est de plus en plus importante et les dossiers à traiter sont plus complexes, lourds et nombreux que jamais. Cela crée des situations dans lesquelles le personnel a, involontairement, moins de temps à consacrer au soutien aux familles.

La Commission, à laquelle l’OPCQ croit pouvoir ardemment contribuer en raison de son rôle prépondérant en protection de la jeunesse, devrait pouvoir proposer des mesures de soutien concrètes pour les intervenants de ce domaine.

Car aussi bien formés soient-ils, ces derniers ne peuvent corriger eux-mêmes une situation de compromission s’ils n’ont pas accès à des services de première et de deuxième ligne dans un délai qui tient compte de l’importance du temps pour un enfant, et avec une intensité qui tient compte de la lourdeur des besoins.

Un système enviable

Certes, la Commission constatera probablement à la fin de ses travaux que depuis 40 ans, il y a eu énormément de développement des connaissances et des pratiques en protection de la jeunesse au Québec. Qu’ils soient criminologues, travailleurs sociaux, psychoéducateurs ou autres, ces hommes et ces femmes ont bâti un système novateur qui fait l’envie de plusieurs pays dans le monde. Aussi, la Loi sur la protection de la jeunesse a été révisée constamment depuis 40 ans afin de s’adapter à des réalités émergentes et, si elle est bien appliquée, c’est une loi qui offre toute la latitude requise pour bien intervenir. Mais le meilleur système de protection ne remplacera jamais la responsabilité collective de l’ensemble de la société face au bien-être des enfants.

Tous les enfants du Québec devraient pouvoir se développer en ayant réponse rapidement à leurs besoins physiques, affectifs, éducatifs et développementaux. Tous les parents, sans exception, devraient avoir accès à un réseau de services médicaux, sociaux, scolaires, de garde et parfois de services spécialisés quand leurs enfants ont des difficultés particulières. Ces mêmes parents devraient aussi être en mesure de bénéficier d’un réseau de services significatifs et disponibles rapidement quand ils vivent des difficultés personnelles.

Répondons-nous bien comme société à ces besoins ? Voilà peut-être la première question à se poser dans cet exercice, parce que la protection de la jeunesse, ça commence bien avant l’intervention de la DPJ.

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