Une fois par mois, un camelot de L’Itinéraire se joint à Débats pour se raconter, critiquer, s’insurger. Aujourd’hui, Isabelle Raymond raconte son parcours sinueux… et son avenir radieux.

L’Itinéraire a été plus qu’une bouée de sauvetage dans le parcours de ma vie. L’organisme m’a aidée à évoluer et à voir ma vie de façon beaucoup plus positive. J’ai développé des atouts que je ne pensais pas avoir, comme l’écriture. Ce groupe communautaire prend une place importante dans mon cœur.

Avant d’être camelot pour L’Itinéraire, j’avais une piètre estime de moi. Je croyais n’être qu’une bonne à rien. J’avais l’impression d’être la honte de ma famille et de mes amis. Le fait que j’ai subi beaucoup d’intimidation au primaire et au secondaire m’avait laissé des cicatrices qui, même rendue adulte, n’étaient pas guéries.

J’avais des difficultés scolaires, mes notes étaient plutôt moyennes, mais ça ne m’a pas empêchée de décrocher mon diplôme d’études collégiales en arts plastiques. À la fin de mes études, je cherchais activement du travail, et j’ai suivi divers programmes d’aide à la préparation à l’emploi.

Pourquoi ne m’embauchait-on pas ? Parce que je n’avais pas d’expériences connexes. Ça n’a fait que m’enfoncer plus bas. Je voyais la vie en noir. J’en avais perdu ma santé mentale.

Heureusement, je l’ai retrouvée au bout de quelques mois à l’aide de la médication et de l’ergothérapie.

Mon arrivée à L’Itinéraire

Lorsque je suis entrée dans le café de L’Itinéraire, j’étais hyper gênée de voir tout ce monde que je ne connaissais pas. J’avais peur de passer pour une usurpatrice, je me disais que les épreuves que j’ai traversées étaient moins pires que celles vécues par certains camelots.

Au début, je n’y allais pas très souvent, seulement pour récupérer mes magazines. Je ne les vendais pas d’une manière régulière, le regard de certains passants m’intimidait. Ils me faisaient sentir comme une merde et sans doute le fait que je me sentais moi-même ainsi, ça n’aidait pas. Surtout que j’habitais Hochelaga-Maisonneuve, et du monde mal pris financièrement là-bas, ce n’est pas ce qui manque. Mais la plupart d’entre eux m’adressaient quand même un sourire ou me disaient bonne chance.

Ensuite, j’ai déménagé dans le quartier Côte-Saint-Paul et je me suis trouvé un bon spot pour vendre, en face du Provigo. Mes ventes ont augmenté. À la rédaction de L’Itinéraire, on m’a demandé si j’étais intéressée à aller voir la pièce Les évènements au théâtre La Licorne et d’en faire la critique. J’ai accepté. Depuis, j’écris souvent dans le magazine, c’est devenu une de mes passions. Au fil du temps, je me suis sentie de plus en plus valorisée et l’estime de moi augmentait. Mes clients me faisaient part de leur appréciation à lire mes articles, ce qui me motivait beaucoup à vendre L’Itinéraire.

Impliquée dans plusieurs projets

J’étais de moins en moins gênée, je n’avais plus peur d’aller vers mes collègues. Maintenant, ils sont comme mes amis, je les adore ! Même si je n’ai pas de problèmes familiaux, ils sont pour moi comme une deuxième famille. L’Itinéraire m’a vraiment aidée à être moins introvertie, à sortir de l’isolement. J’ai un fort sentiment d’appartenance envers ce lieu et envers l’équipe, ce que je n’avais jamais ressenti avant. J’aime être impliquée dans des projets avec ma gang.

Récemment, cinq autres camelots et moi avons fait de l’improvisation au Club Soda, lors d’un match de la LNI. On a eu du fun ! J’ai participé à un documentaire dénonçant la loi 70 et les lacunes dans l’aide de dernier recours. J’ai collaboré avec une étudiante de l’INIS, qui a fait un portrait documentaire sur mon expérience à L’Itinéraire pour une plateforme Instagram. Je lui ai parlé de mon parcours et de mes passions, comme faire des bandes dessinées.

Je suis aussi membre du conseil d’administration de l’organisme et je fais partie du comité d’éthique et de déontologie. Ma famille et mes amis sont fiers de ce que je fais : à vrai dire, ils n’ont jamais eu honte de moi. Il y a plein de monde qui m’aime et je ne m’en rendais pas compte.

Présentement, j’ai recommencé mes démarches pour me trouver un emploi d’agente de sécurité. Sans L’Itinéraire, je n’aurais pas assez cru en moi pour suivre la formation et me voir faire ce métier.

L’Itinéraire est une voix unique dans le paysage médiatique québécois. Il donne la parole aux sans voix, des personnes marginalisées, itinérantes ou à risque de le devenir.

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