Depuis le 1er avril, la pollution par le carbone a un prix partout au Canada, y compris dans les provinces récalcitrantes qui refusaient de mettre un prix sur cette pollution (Ontario, Saskatchewan, Manitoba et Nouveau-Brunswick). 

Les premiers ministres de l’Ontario et de la Saskatchewan contestent en cour l’application de cette tarification aux provinces malgré le fait que le Manitoba a déjà commandé un avis légal indépendant en 2017 qui en a confirmé la constitutionnalité. 

Déterminé, le premier ministre de l’Ontario a même mis de côté 30 millions de fonds publics pour se battre contre cette mesure. Imaginez les mesures vertes qui pourraient être prises avec tout cet argent ! Ils ont aussi l’appui du chef du Parti conservateur fédéral qui s’éreinte également à contredire les mérites de la tarification de la pollution carbone. 

Équiterre et le Centre québécois du droit de l’environnement seront devant la Cour d’appel de l’Ontario mercredi prochain.

Pourquoi est-ce important pour ces deux organismes québécois d’aller en Ontario pour défendre ce système ? Pour deux raisons, principalement.

Dans l’intérêt national et dans l’intérêt du Québec 

Le Québec est un pionnier de la tarification carbone. La province a mis en œuvre un système de plafonnement et d’échanges en 2013 qui a créé un marché du carbone, maintenant lié à l’État de la Californie. Le Québec évite ainsi l’application d’un autre système, soit un prix sur la pollution carbone déterminé par Ottawa. 

Des mesures de tarification carbone insuffisantes de la part des provinces récalcitrantes peuvent avoir un impact réel et inéquitable sur celles, comme le Québec, qui prennent déjà des mesures sérieuses pour lutter contre les GES.

Il est essentiel d’éviter des « fuites de carbone », qui surviennent lorsque des entreprises relocalisent leur production vers des territoires qui n’appliquent pas de prix sur la pollution carbone.

De plus, une tarification carbone plus uniforme au Canada protège la compétitivité des entreprises québécoises qui exportent leur production vers d’autres provinces. Une tarification carbone pancanadienne est donc favorable à l’efficacité du système québécois.

Un exemple de fédéralisme coopératif respectueux des intérêts provinciaux 

D’autre part, le fait que le fédéral ait établi un système de tarification souple, qui prévoit l’imposition d’une tarification déterminée par le fédéral seulement en l’absence d’un cadre réglementaire suffisant au niveau provincial, constitue un exemple de « fédéralisme coopératif » respectueux des intérêts provinciaux. Les mesures fédérales viennent ainsi compléter les mesures provinciales, et vice-versa, dans un véritable esprit de coordination. 

Essentiellement, le gouvernement fédéral applique dans ces provinces une redevance sur les carburants correspondant à 20 $ la tonne de carbone ainsi qu’un système de tarification pour les grandes industries polluantes. Le fédéral retourne tous les revenus perçus sous forme de remboursements directs aux individus sur leur rapport d’impôt, ainsi que par des investissements pour aider les municipalités, les petites et les moyennes entreprises à réduire leur pollution carbone. 

Mais le prix imposé par le fédéral de 20 $ la tonne de carbone est très loin d’être suffisant pour récupérer le coût social de la pollution carbone, qui pourrait s’élever jusqu’à 167 $ la tonne au Canada, selon les scénarios d’impacts sévères des changements climatiques.

Le coût social du carbone inclut les coûts engendrés par la pollution carbone comme les coûts de réparation des infrastructures, les dommages causés par les inondations et les incendies de forêt, les pertes économiques dans certains secteurs et les coûts en santé publique, pour ne nommer que ceux-là.

Sans la tarification carbone, la totalité de ces coûts sera payée par la société, par chacun d’entre nous comme citoyens. Le coût de l’inaction est donc beaucoup plus élevé que celui d’une action immédiate. 

La crise climatique ne doit pas servir la partisanerie 

L’assise constitutionnelle du gouvernement fédéral est solide. L’Ontario et la Saskatchewan le savent. Or, la crise climatique à laquelle nous faisons face ne doit pas servir à la partisanerie. C’est pourquoi Équiterre et le CQDE seront à la Cour d’appel ontarienne cette semaine. 

Nous le constatons tous les jours : les impacts des changements climatiques n’ont pas de frontière. Les Québécois subissent déjà les conséquences de l’inaction des gouvernements, y compris celle de leurs voisins. Surtout, il ne faut pas s’en déresponsabiliser et refiler la facture à nos enfants et nos petits-enfants, qui auront déjà un prix très élevé à payer pour pouvoir continuer de vivre dans un contexte d’urgence climatique. 

* Cosignataire : David Robitaille, professeur, constitutionnaliste, avocat-conseil pour le CQDE et Équiterre dans le dossier de la tarification carbone

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