La démission de Bernard Drainville après des années de loyaux services à la population fait ressurgir en moi la même réflexion : pourquoi se lancer en politique ? Il fut une époque où ceux qui nous représentaient avaient l'admiration des citoyens. Pourtant, à force de les traiter avec peu de respect ou peu d'égards, on perd les futurs bons candidats au change.

Les anciens politiciens me le disent souvent :  « Si jamais tu veux te lancer en politique, nous irons manger, j'ai un ou deux trucs à t'expliquer. » En somme, le message reste clair. On y risque sa carrière professionnelle, ses amitiés, sa relation de couple et le temps de qualité en famille avec de jeunes enfants.

Jean Lapierre le répétait souvent :  « On fait de la politique quand on n'a rien à perdre ou tout à donner. » La sagesse de ce message m'a marqué fortement, de même qu'une bonne tranche de ma génération.

Les « de moins en moins jeunes » de mon âge avec un peu d'envergure et s'intéressant à la politique rebroussent souvent chemin. Pourquoi ? Un simple regard au rôle éventuel qu'on leur donne effraie n'importe quelle âme rationnelle.

Premièrement, à plus de 35 ans, un professionnel avec un peu d'ambition peut aspirer à gagner la même rémunération qu'un député avant ou après redressement de celle-ci, tout en ayant des débouchés intéressants. Il ne subira pas de haine gratuite sur les réseaux sociaux ni de soupers spaghettis le samedi soir, et ses enfants auront la chance de le voir plus souvent. Surtout, il aura droit à une vie privée avec des erreurs de parcours. Il sera courtisé pour plusieurs emplois au lieu de vivre une période de disette comme peut le vivre un ancien politicien avec des affinités déclarées publiquement.

Depuis mon enfance, j'ai vu défiler des hommes d'État plus grands que nature : Lévesque, Bourassa, Parizeau, Bouchard, Mulroney, etc. Non seulement ils étaient des hommes d'État, mais ils nous renvoyaient une image améliorée de nous-mêmes, malgré leurs défauts d'êtres humains. Au lieu de vouloir des élus à notre image, on exigeait des représentants qu'ils soient plus éduqués, plus réfléchis et plus visionnaires que la moyenne. Dans l'ère des nouvelles 24 heures sur 24 et des critiques provenant de toutes parts, on ne laisse plus au politicien le temps de réfléchir.

À une autre époque, le politicien avait le temps d'infuser sa réflexion. Tel un thé en infusion, il absorbait l'information lentement, se faisait une tête et arrivait avec une vision réfléchie publiquement (ou tentait de le faire).

Aujourd'hui, on demande aux politiciens de pondre une réflexion en quelques minutes et de commenter une nouvelle ou un fait divers rapidement.

En somme, on demande aux députés d'infuser à la vitesse d'un David's Tea ou d'un café Starbucks. Après, on se choque que le parti prépare une cassette ou des lignes directrices répétées chaque matin.

Finalement, nous avons les politiciens que nous méritons. À force de nourrir la machine à ne rien dire et ne rien faire, on se retrouve avec des politiciens dont les décisions traînent en longueur. On commande une commission parlementaire pour ceci, une étude pour cela, tout pour s'éviter de prendre une décision : ce pour quoi on paye nos élus. Êtes-vous vraiment surpris que le premier décaissement à Bombardier ne soit pas encore fait ou que la situation d'Uber ne soit pas encore réglée après des mois de discussions ?

Dernièrement, Paul St-Pierre Plamondon, un homme de ma génération, a décidé de se lancer en politique. Peu importe les allégeances politiques, je lui lève mon chapeau au nom de ceux qui restent sur les lignes de côté, tout en buvant un thé ou un café tranquillement infusé. Et vous, combien de laits dans votre café ?

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