Avec des États transparents, des lois bien ficelées, de la collaboration et une traçabilité des échanges de capitaux, on arrivera à une solution plus intéressante.

Un multimillionnaire se présente à l'entrée d'une firme comptable d'envergure internationale. Il voudrait savoir s'il existe des mécanismes fiscaux légaux pour minimiser sa facture fiscale.

Un associé en fiscalité analyse les lois, voit ce qui semble être permis et propose une solution fiscale à son client. À ce moment, on se trouve sur la fine ligne de la moralité de l'opinion publique. Le client sait qu'il pourrait payer davantage d'impôts s'il produisait ses déclarations fiscales « normalement ».

La firme comptable n'est pas là pour faire un procès d'intentions : elle répond à la commande. Tel un ouvrier financier, elle sélectionne le bon outil fiscal à sa disposition. La firme fait le travail pour lequel on l'engage et contacte des firmes comme Mossack Fonseca pour trouver les États à « fiscalité avantageuse ».

La commande du client est de minimiser la facture dans la limite de la légalité. L'activité n'est donc pas criminelle. On respecte à la lettre ce qui est écrit dans la loi, mais on ne respecte peut-être pas l'esprit de la loi : on fait de l'évitement. 

Cet évitement est une zone grise ; il pourrait être contesté par les autorités fiscales, mais si on lit textuellement ce qui est écrit dans la loi, le stratagème fonctionne et peut se défendre. Celui-ci existe parce que les autorités fiscales le permettent.

Quand une fuite comme celle des Panama Papers survient, on voit que cette histoire se répète des milliers de fois partout dans le monde.

Comme comptable professionnel agréé, ce sujet me rend mal à l'aise, car il est complexe. D'un point de vue personnel, je déclare tous mes revenus. À la fin de l'année, je fais de « l'optimisation fiscale » : je contribue à mon REER pour augmenter ma déduction et réduire mon revenu. C'est non seulement légal, mais c'est une utilisation qui respecte l'esprit de la loi. Je ne peux pas affirmer, comme individu, que je ne suis pas choqué que des richissimes de se monde croient mériter un traitement de faveur par rapport à d'autres. De la même façon, je ne tolère pas qu'un particulier moyen déclare 42 000 $ alors qu'il en gagne le double.

DES ENTREPRISES ET DES MULTIMILLIONNAIRES

Il y a une nuance à faire entre la réalité fiscale des entreprises cotées en Bourse et celle des individus. Les entreprises mondiales sont en concurrence les unes contre les autres. Ne pas optimiser à la limite leur situation fiscale, c'est obtenir un moins bon rendement pour l'actionnaire (par exemple, nos régimes de retraite). Le multimillionnaire, pour sa part, n'a que la construction de son empire personnel comme motivation à faire étirer l'interprétation des lois. À ce moment, c'est de l'égoïsme pur, « greed », comme le répète Bernie Sanders.

Alors, que faire ? On a mondialisé certaines règles du commerce international, donc on mondialise la fiscalité ? Pas vraiment.

Un État est indépendant s'il peut moduler sa fiscalité pour tenir compte de sa réalité économique. Il y aura toujours de la concurrence fiscale. Par contre, avec des États transparents, des lois bien ficelées, de la collaboration et une traçabilité des échanges de capitaux, on arrivera à une solution plus intéressante. C'est un peu le but de l'OCDE avec son projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices des grandes entreprises.

Pour l'instant, on mélange l'évitement, la fraude, la corruption, l'évasion, et l'optimisation fiscale dans le dossier. Avec un peu de patience, le cas des Panama Papers générera tellement de mauvaise publicité à ceux montrés du doigt qu'on verra peut-être poindre une « petite gêne » à l'horizon.

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