Lors de la publication de son budget, le ministre Marceau nous disait être près des gens et de leurs préoccupations. À l'ère du développement du territoire, voici une réflexion sur l'avenir du Québec non inscrite à la liste des préoccupations du PQ, ni à celle de ses prédécesseurs.

Christian est consterné. Assis au bout de la table de cuisine de sa résidence de Saint-Alphonse, il avale rapidement son café filtre. Maintenant à l'âge de la retraite, il rêve de léguer sa propriété, un coin de paradis bucolique de plusieurs hectares, à ses enfants. Problème, son gendre vient de lui expliquer la réalité: à sa mort, ses enfants devront défrayer une facture d'impôt pour hériter de sa terre.

Acheté pour 16 000 $ en 1972, son coin de paradis vaut maintenant 750 000 $. Au nouveau taux marginal hypothétique de 49,97 %, en attribuant une juste valeur de 200 000 $ à la maison et au demi-hectare de terrain (53 800 pieds carrés) généralement accepté à l'abri de l'impôt par Revenu Québec, on obtient une facture d'impôt d'environ 135 000 $ sur la disposition présumée de la terre (légèrement moins s'il avait opté pour la cristallisation d'un gain maximal en capital de 100 000 $ en 1994). Ainsi, Christian est imposé sur le gain en capital de sa terre puisqu'elle excède la superficie maximale pouvant être généralement incluse dans la section non imposable de la résidence principale. Pour payer cette facture, les héritiers devront vendre la terre ou hypothéquer la maison.

Certains argumenteraient que la terre pourrait être vendue en morceaux. Impossible: elle est zonée verte, signifiant qu'aucune maison supplémentaire ne peut être construite sur celle-ci, car elle ne peut être lotie.

Michael est pénard. Il savoure lentement un allongé dans son vaste solarium. Il a hérité d'une somptueuse demeure à Outremont, sur la rue Maplewood. La valeur de la résidence lors du legs était de 1,5 million. Cette année, un de ses voisins a vendu une résidence similaire pour 3,5 millions. Michael est stupéfait de la hausse de la valeur de son patrimoine. Comble de joie, comme c'est sa résidence principale, il n'aura aucun impôt à payer à son décès ou à la vente de sa propriété.

En regardant froidement la situation, la fiscalité favorise le citadin par rapport au Québécois occupant le territoire en région. Le message est clair: il vaut mieux acheter une résidence luxueuse à Outremont que de s'expatrier en région pour entretenir une maison et de vastes étendues de territoires pour un contribuable désirant faire fructifier son patrimoine familial.

N'est-ce pas incompatible avec des objectifs d'occupation de territoire primordiaux à l'affirmation de la souveraineté territoriale? La fiscalité est non seulement un outil de répartition de la richesse, mais aussi un puissant levier d'influence des comportements sociaux.

La problématique soulève plusieurs questions. Dans le concept de résidence principale, ne devrions-nous pas collectivement plafonner la valeur non imposable du gain en capital à la disposition d'une demeure? Ou ne devrions-nous pas permettre à Christian d'avoir le même privilège de léguer son patrimoine à l'abri de Revenu Québec? Lorsqu'on s'inquiète de la croissance de l'écart de richesse entre les riches et pauvres, ne voit-on pas ici un exemple de distorsion fiscale favorisant l'élargissement artificiel de celui-ci? Pourquoi la forme du legs influence-t-elle la facture d'impôt?

M. Marceau, Christian voudrait bien comprendre pourquoi le gouvernement attaque son héritage et non celui de Michael.

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