Depuis quelques années, mais particulièrement cet automne, le Québec envisage des projets énergétiques qui peuvent apparaître contradictoires.

D'un côté, on étudie une éventuelle production de gaz naturel et de pétrole au Québec (notamment dans les évaluations environnementales stratégiques, dont beaucoup des études réalisées pour son compte ont été rendues publiques récemment, et à propos desquelles il y aura des consultations publiques du 16 au 19 novembre prochains) et un important projet de pipeline pétrolier, Énergie Est, pourrait traverser le Québec. D'un autre côté, le gouvernement québécois propose des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) parmi les plus ambitieuses : diminuer de 37,5 % nos émissions en 2030 par rapport au niveau de 1990 - ce qui est équivalent à réduire du tiers environ nos émissions actuelles.

Étant donné que plus de 70 % de nos émissions viennent directement du pétrole et du gaz naturel, réduire nos émissions est un projet énergétique : nous n'aurons pas le choix de réduire notre consommation d'énergie fossile pour atteindre cette cible.

Comment donc concilier, d'une part, la possibilité de produire et de transporter des hydrocarbures au Québec quand, d'autre part, il faut en consommer moins ? Cette question, de prime abord, pourrait sembler soulever une contradiction. Pour réduire, il faudrait moins produire. Donc, impossible de considérer de nouveaux projets de production ou de développer des infrastructures de transport du pétrole. La logique de la situation est cependant plus complexe. Pour réduire nos émissions de GES, ce n'est pas tant moins produire qu'il faut que moins consommer. C'est en effet la consommation qui émet le plus de GES, pas la production. Mais surtout, les producteurs ne produisent pas pour le plaisir de produire. 

Les producteurs produisent parce que des consommateurs achètent leurs produits.

Ainsi, une opposition de principe à la production ou au transport d'hydrocarbures en sol québécois n'a aucune incidence sur notre consommation. Que ces projets aillent de l'avant ou non, il nous faudra redéfinir notre approche à la consommation énergétique pour réduire nos GES.

Par contre, si nous réussissons cette transition énergétique de consommation, le marché des hydrocarbures sera plus restreint, et les producteurs seront moins intéressés à produire. Ils délaisseront alors naturellement ces activités - tout comme les producteurs de cassettes audio ont progressivement cessé d'en vendre et d'en fabriquer quand les consommateurs se sont tournés vers d'autres produits et habitudes d'écoute.

La situation n'est donc pas incohérente ou contradictoire : s'il existe un marché de la production et du transport d'hydrocarbures au Québec, et si ces activités peuvent se faire dans un strict respect de normes environnementales élevées, alors le Québec ferait une erreur de ne pas accueillir ces projets. Évidemment, une erreur bien plus grande serait de ne pas amorcer rapidement et résolument la décroissance de notre consommation d'hydrocarbures. Un tel mouvement doit être réalisé pour les objectifs de lutte contre les changements climatiques. De plus, s'il est bien fait, il réduira notre facture énergétique, libérera nos routes de la congestion (c'est le transport, qui consomme la majorité du pétrole, qui devra être repensé pour être plus efficace) et nous rendra moins dépendant des importations d'énergie. Bref, réduire les émissions de GES présente d'excellentes perspectives économiques et sociales.

En parallèle à ce projet central, si d'autres projets peuvent être réalisés au Québec, pourquoi les refuser ? Évidemment, on ne doit pas les accepter en abaissant les normes environnementales, ni les subventionner de quelque manière que ce soit. Si des investisseurs y trouvent leur compte, dans un contexte de décroissance de la consommation, c'est tout le Québec qui gagnera. Sur tous les plans.

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