Même si j'espère le meilleur pour mes enfants, je refuse de les garder en captivité dans une tour d'ivoire imperméable aux intempéries de la vie. Je crois qu'ils doivent trébucher pour découvrir comment se relever et commettre des erreurs pour apprendre à les réparer.

J'aime l'idée de bannir les interdits et les tabous sans leur cacher l'existence des pièges qui sèmeront leur parcours.

Je souhaite profiter de cette période où mon opinion vaut encore son pesant d'or à leurs yeux pour avoir des discussions franches et ouvertes avec eux, en espérant contribuer positivement au développement de leur jugement critique et de leur faculté de discernement.

C'est pourquoi la manchette révélant l'association entre Loto-Québec et un tournoi de poker universitaire ne m'a initialement inspiré qu'une vague indifférence. Une deuxième réflexion sur la question a toutefois soulevé certains doutes dans mon esprit.

La semaine dernière, La Presse nous apprenait que Loto-Québec s'associait pour la première fois à un tournoi de poker en ligne destiné aux étudiants de diverses universités et à l'issue duquel des prix totalisant 20 000$ sont offerts. Les publicités du tournoi sont placardées dans les corridors des universités de la ville et Loto-Québec défend son initiative en plaidant que le public ciblé est âgé de plus de 18 ans et que le poker est particulièrement populaire auprès des jeunes.

Pourtant, en grattant un peu, on arrive à certains constats qui ne sont probablement pas étrangers à cette percée universitaire. Premièrement, le chiffre d'affaires annuel de Loto-Québec est le même aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Deuxièmement, la société d'État admettait à l'automne 2010, lors de la publication de son plan stratégique 2010-2013, qu'elle entendait cibler les jeunes afin d'augmenter ses revenus. Loto-Québec indiquait alors que de nouveaux produits seraient créés afin de rejoindre une clientèle diversifiée, notamment les jeunes adultes, et ramener la notion de plaisir dans les produits de loterie.

Il semble donc que l'offensive universitaire s'inscrive parfaitement dans cette quête de renouveau et de recherche de stratégies innovatrices qui contribueront à rajeunir sa clientèle.

Malgré l'effort de transparence de Loto-Québec quant à ses intentions, un malaise persiste, tant entre les murs des universités, qui refusent d'être associées à l'événement, que dans la population en général, troublée par l'incohérence et le caractère contradictoire des messages envoyés.

Alors que la vocation d'une université est celle d'enseigner, de former, d'instruire et de transmettre ce précieux savoir grâce auquel les jeunes gagneront éventuellement leur vie, on leur laisse miroiter l'illusion de la richesse instantanée en misant sur les habiletés stratégiques et le caractère glamour du poker.

À l'instar de certains autres vices pouvant être savourés avec modération, la loterie et les jeux de hasard ne disparaîtront jamais de notre paysage. Dans ce contexte, il est sans doute préférable que ces activités soient encadrées par des loteries publiques qui offrent des mesures de prévention et qui sont susceptibles de financer des causes nobles et des projets sociaux plutôt que d'avoir comme seul objectif la maximisation des profits.

Il reste que Loto-Québec devrait user du jugement et du discernement avec lesquels elle recommande à ses clients de consommer ses produits. Entre chercher à rajeunir sa clientèle et faire publiquement la promotion d'événements commandités dans les établissements d'enseignement, il y a un pas de trop. Un pas que Loto-Québec devrait se garder de franchir.

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