L'intense activité diplomatique déployée depuis une dizaine de jours par les principaux protagonistes de la crise ukrainienne est-elle le prélude à la conclusion d'un cessez-le-feu durable? L'entrée en force hier en territoire ukrainien du convoi humanitaire russe risque-t-elle au contraire de le saboter? On le saura dans quelques jours, peut-être même dès le début de la semaine prochaine.

La chancelière allemande Angela Merkel est à Kiev aujourd'hui pour y rencontrer le président Porochenko. C'est la première fois qu'elle se rend en Ukraine depuis la chute du régime prorusse en février dernier. Au fil des mois, elle est devenue l'interlocutrice principale des présidents ukrainien et russe afin de trouver une issue au conflit, sans grands résultats. Mais la situation sur le terrain change rapidement et ouvre une perspective de règlement.

L'armée ukrainienne est à l'offensive et reprend chacun jour un peu plus les territoires contrôlés par les groupes prorusses. Ceux-ci sont sur la défensive, sinon en pleine débâcle, tant militairement que politiquement. S'ils maintiennent encore leur emprise sur une bande de terrain à la frontière russe, ils sont essentiellement repliés dans deux grandes villes, Luhansk et Donetsk, isolées et bombardées quotidiennement. Ce recul militaire se double d'une crise politique. Les principaux leaders de la rébellion, des Russes pour la plupart, ont quitté leurs fonctions pour laisser place à des prorusses ukrainiens. Il s'en suit un délitement quotidien de l'autorité politique et de la discipline militaire et un profond désarroi au sein de la population.

Des interventions opportunes

À Moscou, on prend bien note de la situation, une situation que les Russes ont sans doute provoquée. En effet, Vladimir Poutine a atteint son objectif: créer un foyer d'instabilité dans l'est du pays afin d'empêcher l'Ukraine de trop se tourner vers l'Europe et ainsi de rester encore attachée à la Russie.

Le président russe semble maintenant disposé à négocier sérieusement un cessez-le-feu, ce qui explique sans doute les petites phrases des uns et des autres et leurs interventions bien opportunes. En effet, samedi dernier, les directeurs de cabinet des présidents ukrainien et russe se sont rencontrés à Sotchi pour une longue conversation. Le lendemain, les ministres des affaires étrangères ukrainien et russe étaient à Berlin avec leurs homologues français et allemand.

En parallèle, le président français, après avoir discuté avec Poutine, a invité l'Ukraine «à la retenue et au discernement» dans ses opérations militaires. De son côté, le président russe a souligné la nécessité pour son pays de ne pas «se couper du reste du monde», sans «pour autant permettre qu'on se comporte de manière dédaigneuse avec nous.» La pression est donc très forte sur l'Ukraine pour qu'elle évite d'anéantir complètement les prorusses, au risque de provoquer une violente réaction de la Russie.

C'est dans ce contexte qu'arrive à Kiev Angela Merkel. Tout indique qu'elle va sonder les intentions du président Porochenko avant que celui-ci rencontre Poutine lors du sommet qui doit se dérouler mardi à Minsk, au Bélarus. À l'exception d'un court aparté de quelques minutes en France en juin, ce sera la première fois que les deux leaders auront un tête-à-tête.

À travers la chancelière allemande, les Européens et les Américains vont presser l'Ukraine d'accepter un cessez-le-feu sur les lignes actuelles. Le président ukrainien n'aura sans doute pas le choix d'accepter. Les populations sont exaspérées par le conflit, l'armée ukrainienne redoute des combats urbains et l'économie du pays est en plein naufrage, à tel point que son ministre de l'Économie vient tout juste de démissionner. Le cessez-le-feu ne règlera aucune des causes profondes du conflit. Tout au plus, il gèlera le conflit et établira une certaine paix, une paix froide, il va sans dire.

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