Les Ukrainiens ont raison d'être en colère après la destruction de l'avion de la Malaysia Airlines au-dessus de leur territoire la semaine dernière. C'est un acte barbare, même si les services secrets américains, après avoir laissé courir toutes sortes de rumeurs pendant cinq jours, en arrivent maintenant à la conclusion que le forfait a été commis involontairement par les séparatistes prorusses. Mais en choisissant de qualifier les responsables de terroristes, les Ukrainiens durcissent le conflit et risquent de le prolonger.

Depuis le renversement en février du régime prorusse à Kiev et les rébellions en Crimée et dans l'est du pays, les deux parties ne cessent d'échanger des insultes et des qualificatifs peu flatteurs afin de se discréditer mutuellement. Le gouvernement ukrainien est régulièrement qualifié de «fasciste» et de «nazi» alors que les séparatistes prorusses sont catalogués comme «terroristes». Les mots ont un poids, et un rebelle ou un séparatiste n'est pas nécessairement un terroriste.

Nous n'entrerons pas ici dans le débat sans fin sur la qualification à donner à des combattants engagés dans une lutte politique ou de libération nationale. Au temps où ils menaient des combats, Menahem Begin, Yasser Arafat et Nelson Mandela ont été accusés d'être des terroristes ou célébrés comme des libérateurs, mais une chose est certaine, ils ont fini par devenir de grands leaders politiques.

Pression sur l'Occident

En Ukraine, le gouvernement insiste pour qualifier les séparatistes de terroristes. Cette insistance va jusqu'à l'intimidation de journalistes et met les gouvernements occidentaux dans l'embarras. Ainsi, lundi dernier, sur la chaîne CNN, cette situation a pris tout son relief, et devant des millions de téléspectateurs.

Christiane Amanpour, journaliste vedette, interroge en direct le président ukrainien, Petro Porochenko, en attendant un point de presse de Barack Obama. L'échange porte sur la catastrophe aérienne. Amanpour parle des séparatistes, Porochenko, des terroristes. Soudainement, le président ukrainien interrompt la journaliste et lui demande de cesser d'identifier les prorusses comme des séparatistes et de plutôt les qualifier de terroristes. Interloquée, la journaliste esquisse une réponse au moment où Obama entre en scène. Le président américain commence à lire sa déclaration et utilise le terme de séparatiste. Retour sur le président ukrainien dont l'expression faciale ne laisse aucun doute sur sa profonde déception.

Les Occidentaux ont toujours refusé les demandes répétées des autorités de Kiev de qualifier les séparatistes prorusses de terroristes. On voit mal pourquoi ils devraient changer d'attitude au lendemain de la destruction en vol du Boeing malaisien, d'autant plus que les services secrets américains pensent qu'il s'agit d'une bavure.

Qualifier de terroriste une organisation ou un mouvement est un acte particulièrement délicat. La communauté internationale n'a pas eu de mal à s'entendre sur la nature criminelle d'Al-Qaïda, et cela, depuis une quinzaine d'années, donc bien avant les attentats du 11 septembre 2001. Dans le cas de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), ce fut tout autre. Les États-Unis et Israël l'ont longtemps considérée comme une organisation terroriste alors que les Européens n'ont jamais accepté de le faire. Cette attitude a ouvert le jeu et facilité les négociations de paix.

La résolution d'un conflit appelle une négociation, et celle-ci repose sur une reconnaissance mutuelle minimale. Dans le cas ukrainien, les Occidentaux ne cessent de demander à Kiev, aux séparatistes prorusses et à la Russie de s'entendre pour mettre fin au conflit. Obama l'a rappelé avec force lundi. Il va de l'intérêt bien senti de l'Ukraine d'éviter une rhétorique qui ne mène nulle part.

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