Enfermé pendant 27 ans, notamment dans la tristement célèbre prison de Robben Island, Nelson Mandela y avait contracté la tuberculose. La maladie ne l'avait jamais vraiment quittée et elle vient visiblement de l'achever. Nelson Mandela est mort dans le calme et la dignité. Il sera universellement regretté.

Lorsque Mandela est libéré en 1990, l'avenir de l'Afrique du Sud n'est pas encore joué. Le pays retrouve lentement le calme après deux décennies marquées par des émeutes et des affrontements sanglants entre une partie de la population noire et les forces de l'ordre. Il commence à ressentir les effets de l'embargo observé par la communauté internationale visant à forcer le régime blanc à renoncer à l'apartheid.

Si la majorité noire et certains éléments de la population blanche rejettent le régime de ségrégation raciale, il n'y a en leur sein aucune unité politique. Le régime raciste a joué la politique du «diviser pour mieux régner». Il a créé des bantoustans afin de satisfaire les ambitions de petits chefs locaux et favorisé le pouvoir des Zoulous. 

Quant aux Blancs d'origine afrikaners, la faction la plus radicale réclame son propre État. Mandela marche sur des oeufs. Sa libération est le résultat d'une décision historique prise par le président Frederick de Klerk. Le leader blanc est parfaitement conscient que les Blancs ne peuvent plus vivre séparés du reste de la population à moins de se condamner à la guerre civile perpétuelle. Il a convaincu une partie des élites blanches d'enterrer le système raciste. 

Malgré cela, la transition d'un régime minoritaire vers un régime majoritaire ne sera pas sans heurts. Émeutes, assassinats, complots des extrémistes blancs pour conserver le pouvoir et luttes fratricides entre Noirs vont ébranler le pays jusqu'aux élections multiraciales de 1994 où l'ANC remporte la mise et Mandela est élu président.

On dira ce qu'on voudra du rôle des personnages dans l'histoire de leur pays ou du monde, mais Mandela est bien de ceux par qui un miracle est advenu et un bain de sang évité. Le nouveau président, aidé en cela par son vice-président de Klerk, tend la main et pose des gestes forts. 

Il accueille l'ancien parti raciste et le parti zoulou au sein de son premier gouvernement. Il préside à des rencontres entre les leaders noirs et leurs anciens bourreaux. Il remet la coupe du monde de rugby au capitaine de l'équipe sud-africaine, un Afrikaner. Il signe la constitution la plus libérale d'Afrique où les droits de tous, même des homosexuels, sont reconnus.

Lorsqu'il quitte le pouvoir en 1999, l'Afrique du Sud a réintégré la communauté internationale et s'apprête à rejoindre le club des puissances économiques mondiales. On n'a qu'à regarder ce que Robert Mugabe a fait du Zimbabwe, le voisin du nord, pour se rendre compte que sans Mandela, sans son extraordinaire capacité d'empathie, son sens de la justice, sa volonté de réconciliation, l'Afrique du Sud ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui.

Mandela est maintenant entré au Panthéon de l'Histoire. Il laisse à son pays et au monde la figure d'un homme serein et apaisé, conscient de sa mission historique, mission qu'il a su mener à bien dans un pays où le pire était à craindre. 

Il a réconcilié l'irréconciliable. Il a fait de chaque Sud-Africain, Noir ou Blanc, un citoyen à part entière. En ce sens, il n'était pas un révolutionnaire. Il était plus que cela: un véritable libérateur.

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