Le débat sur une intervention internationale en Syrie met en lumière le triste sort des populations civiles lors d'un conflit. Faut-il agir avec force pour leur venir en aide? Comment, dans les faits et sur le terrain, assurer leur protection? Qui doit intervenir? Doit-on négocier avec les bourreaux?

La semaine dernière, dans un magnifique manoir installé au coeur de la campagne anglaise, la Fondation Ditchley a réuni une quarantaine d'experts, de diplomates et d'humanitaires afin de réfléchir à toutes ces questions. Le constat, tout le monde le connaît: les civils, et particulièrement les femmes et les enfants, sont les premières victimes des conflits. À partir de là, la discussion sur leur protection s'embrouille et n'a plus rien de linéaire. En effet, pour mettre en oeuvre les moyens de la protection, encore faut-il s'entendre sur la définition de ce que sont les civils dans une zone de conflit.

À première vue, cela semble simple. Les textes juridiques sont clairs: les civils sont des personnes qui n'appartiennent pas aux différentes catégories de combattants. Ceux-ci sont identifiés et membres d'unités dont le commandement relève d'un État ou même d'un groupe reconnu et tenu de respecter les traités. Or, depuis 20 ans, ces paramètres ont volé en éclats. Le champ de bataille est plongé dans un brouillard où des États actionnent des milices illégales et où des groupes indépendants agissent pour leur propre compte. On viole, on torture, on tue en toute impunité.

Tout aussi trouble, la distinction entre civils et combattants s'estompe. Le commando-suicide n'est plus seulement un homme, il est souvent une femme. Les adolescents, sinon les enfants, portent les messages et parfois les armes. Au bout du compte, pour un camp comme pour l'autre, les civils sont des ennemis, des bombes vivantes, donc des cibles.

Cette situation n'est pas nouvelle et sans doute vieille comme le monde. Le XXe siècle a toutefois marqué un bond dans l'horreur. Les nazis ont pratiqué une extermination industrielle. Les alliés n'ont pas hésité à cibler les villes allemandes à coup de bombes incendiaires. Les terroristes deviennent chaque jour plus vicieux.

Même si l'on arrive à s'entendre sur l'identification des civils et que l'on constate les crimes commis contre eux, sur quels critères se fonder pour intervenir? Le concept de «Responsabilité de protéger» a limité la mise en oeuvre de l'intervention aux cas extrêmes de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique ou de crimes contre l'humanité. Où en est-on en Syrie et au Congo?

Et qui va intervenir: les Occidentaux ou la «communauté internationale» ? Celle-ci n'est pas indifférente au sort des civils. L'ONU a adopté depuis 1999 toute une série de résolutions renforçant les normes internationales destinées à les protéger. Aujourd'hui, 95% des opérations de paix ont un mandat de protection des civils et, parfois, cela fonctionne. Mais tout cela reste un mur de papier, car sur le terrain, la réalité est que «l'état alarmant de la protection des civils a à peine changé», constatait l'an dernier le secrétaire général de l'ONU.

À qui la faute? Les ONG et l'opinion publique accusent les États de ne pas assumer leurs responsabilités de protéger, les États accusent l'ONU de ne pas mettre en oeuvre les mandats adoptés par le Conseil de sécurité, l'ONU accuse les États de ne pas lui donner les moyens de le faire. Ce cercle vicieux révèle en fait une réalité frustrante: la protection des civils est plus facile à décrire qu'à mettre en pratique. Les experts réunis au manoir de Ditchley en étaient tous très conscients.

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