François Hollande a été élu contre Nicolas Sarkozy plutôt que sur un quelconque projet de société. Tout a changé depuis dimanche dernier, 9 septembre, à la suite de ses déclarations télévisées: le président «normal», ainsi qu'il s'est lui-même défini, a annoncé son programme sinon un projet, pour les cinq ans qui viennent.

Surprise, il confirme ce qu'il avait tout de même annoncé: la gauche équilibrera le budget de l'État, ou plus précisément réduira le déficit à un niveau tolérable pour les finances publiques et compatible avec les engagements européens de la France.

Un président de gauche au service d'une politique à la Milton Friedman, c'est sans précédent pour la France. Mieux encore, ou pire si l'on s'y oppose, François Hollande s'achemine vers cet «équilibre» par une réduction des dépenses publiques ou au moins leur maintien à un niveau constant.

Or, ces dépenses publiques n'ont cessé d'augmenter en pourcentage de la richesse nationale, depuis 1975, quel que soit le gouvernement, droite ou gauche. De même, aucun budget n'a été en équilibre depuis 1975.

M. Hollande serait-il converti au libéralisme économique? Et la gauche française de tradition imprégnée de marxisme, vire-t-elle à la social-démocratie de modèle allemand ou travailliste britannique?

Ce n'est pas si simple parce que François Hollande annonce aussi des hausses d'impôts sans précédent depuis 30 ans, avec une forte progressivité sur les hauts revenus et détenteurs de patrimoine (avec une tranche symbolique à 75%).

Par ailleurs, François Hollande ne fait pas mystère de son hostilité au capitalisme et aux «riches». On devine aisément en filigrane dans ses discours le rêve d'une économie à base de petites et moyennes entreprises, de l'émergence d'un vaste secteur non profitable qui va d'ailleurs bénéficier d'importantes aides à l'emploi, tout en maintenant des services publics dominants.

Nous sommes donc loin encore d'un ralliement à l'économie de marché tel que l'ont jadis incarné Gerhard Schröder en Allemagne et Tony Blair au Royaume-Uni. On notera en particulier que M. Hollande s'oppose à toute flexibilité du marché du travail et à toute réduction des aides sociales, au rebours de ce qui caractérisait les stratégies de la nouvelle gauche chez nos voisins du Nord (Allemagne, Danemark, Suède).

Au lieu de rendre les licenciements plus faciles, à la Schröder, avec l'espoir d'encourager les recrutements, M. Hollande confirme qu'il rendra les licenciements collectifs quasi impossibles. Réduire le chômage, dit-il, est sa priorité (ce que l'on entend de tous les gouvernements depuis 30 ans). Mais, il prévoit d'y parvenir par une imagination toute bureaucratique: des «contrats de génération» extrêmement complexes qui inciteraient les seniors à former les juniors, à effectif constant.

François Hollande n'a clairement ni l'expérience ni la connaissance du fonctionnement d'une entreprise privée où l'on ne recrute pas pour obtenir des subventions, mais parce que le marché le requiert.

On doutera donc, sans parti pris, mais sur la base de l'expérience économique des nations européennes, que M. Hollande conduira à son terme son exercice d'équilibre, aussi créatif soit-il. Tout d'abord, il n'est pas certain que sa propre majorité le suivra sans renâcler. Ensuite, il paraît impossible de réduire les dépenses publiques sans toucher aux tabous que sont l'Éducation nationale (un million de fonctionnaires) et la Défense dont jusqu'ici nul ne parle. Plus encore, il est envisageable que les contribuables inventeront des stratégies d'évitement fiscal. Enfin, la croissance étant nulle, l'inefficacité des créations d'emplois dans des projets devant leur existence à des subventions se traduira vite dans les statistiques.

Soit François Hollande deviendra le Schröder-Blair français, rallié à l'économie réelle, avec la gauche dans son sillage, soit son mandat et le pays deviendront ingérables. M. Hollande sera-t-il l'homme d'État que la situation exige? On ne le sait pas encore.

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