La course à la direction du Parti québécois relance le débat sur la souveraineté. C'est l'occasion d'un bref survol historique qui situe cet enjeu dans une perspective assez troublante.

Les luttes nationales, qui constituent une trame principale de notre histoire, sont parsemées d'échecs. Les causes en sont multiples, mais il y a une façon de résumer cette trame qui ne cesse pas d'intriguer : elle consiste à la revoir à travers le parcours des chefs nationalistes.

La première tentative pour révoquer le lien colonial remonte aux années 1770-1790. Des intellectuels militants (Mesplet, Jautard et autres) avaient conçu le projet d'établir ici une république fondée sur les libertés, la démocratie et la laïcité. Le projet avorta, ses responsables ayant été emprisonnés par le pouvoir britannique.

C'est le même pouvoir qui, en 1837-38, brisa militairement le mouvement patriote. Mais, dans ce cas, on ne peut s'empêcher de noter que son chef, Louis-Joseph Papineau, avait fait preuve d'une grande ambiguïté dans la définition de ses objectifs ; encore aujourd'hui, les meilleurs spécialistes peinent à s'y démêler. Il demeure gênant aussi que Papineau, au coeur de l'action décisive, ait choisi de fuir aux États-Unis.

Il y eut ensuite, dans les années 1880, Honoré Mercier. Il fut le premier, parmi nos premiers ministres de l'ère moderne, à prôner l'indépendance du Québec.

Il fut chassé du pouvoir en 1892 sans avoir fait beaucoup avancer son projet. Mais il l'avait lui-même dilué en prônant finalement un Canada indépendant dont les provinces auraient un statut équivalent à celui des États américains.

Lionel Groulx entra en scène peu après Mercier. Ce leader resta toutefois en retrait de la politique, pour laquelle il affichait une sorte de mépris. Il n'en fut pas moins la figure de proue du nationalisme canadien-français pendant quelques décennies. Lui non plus ne vit pas la réalisation de son rêve d'indépendance, d'abord parce qu'il n'a jamais su le formuler clairement, s'empêtrant dans des contradictions embarrassantes, et aussi parce que sa méfiance envers l'État (il se targuait de ne jamais voter) l'a privé du principal levier d'émancipation des peuples. Enfin, quand la Révolution tranquille a remis le grand rêve à l'ordre du jour, il l'a énergiquement condamnée.

Un peuple qui se refuse

Jean Lesage fut un nationaliste à sa façon, qui apprit vite à ne pas aller trop loin. Daniel Johnson, lui, s'aperçut un peu tard qu'il était allé trop loin, sur les pas d'un compagnon de route un peu encombrant - un certain Charles de Gaulle. Robert Bourassa avait à coup sûr des convictions nationalistes - n'a-t-il pas fait du français la langue officielle du Québec ? Pourtant, après avoir pratiquement mis la table de la souveraineté à l'époque de Meech, il a choisi de la déserter, sans gloire.

En 1968, Pierre Bourgault interrompit sa carrière politique au profit de René Lévesque, dont on connaît la trajectoire courageuse et tourmentée. Après qu'une majorité de Québécois l'eut désavoué en 1980, il est revenu à l'option canadienne (le « beau risque »). Les parcours de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard sont apparentés en ce que, dans les deux cas, un second référendum a confirmé l'échec de 1980 et, à quelques années d'intervalle, mis fin à leur carrière politique.

Que sera « la prochaine fois » ? Résumons : tantôt des élans brisés par la force, tantôt des chefs qui abandonnent, tantôt le peuple qui se refuse. Ce rappel donne le vertige. Comment mettre fin à cette trame maintenant alourdie par une grande lassitude ? Trouve-t-on dans le débat actuel de quoi tendre à nouveau le ressort souverainiste ? Il semble que, pour le Parti québécois, tout est à refaire.

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