Tandis que la liste des élèves ayant des besoins particuliers ne cesse de s'allonger dans les écoles à travers le Québec, de nouvelles compressions budgétaires de plus de 150 millions viennent d'être annoncées par le gouvernement.

Plus tôt, les syndicats représentant le personnel enseignant et non enseignant de la CSDM ont repris le cri d'alarme lancé par la commission scolaire. Difficile de croire qu'il n'y aura pas d'impacts sur les services aux élèves, et ce, même si les commissions scolaires feront tout ce qui est en leur pouvoir afin de les protéger.

Nous sommes témoins, dans notre milieu de travail, d'une véritable dégradation des conditions d'apprentissage, des services aux élèves ainsi que de la qualité du climat de travail. Faute de ressources nécessaires, les acteurs en milieu scolaire doivent quotidiennement changer de tablier professionnel. L'enseignante refile l'habit du psychologue, la psychoéducatrice celui du technicien en éducation spécialisé, la secrétaire celle de directrice adjointe, etc. Qu'un professionnel occupe occasionnellement un second rôle à des fins de dépannage peut être tolérable. Toutefois, lorsque ce rôle en devient un principal et que chaque quart de travail ressemble à un spectacle de sauts et pirouettes, c'est l'efficacité des interventions et la santé des employés qui en subissent les conséquences.

Les services aux élèves touchés

J'appréhende d'un très mauvais oeil ces nouvelles compressions budgétaires, car celles-ci toucheront principalement les services aux élèves. Allons-nous continuer à bricoler en rognant dans le temps alloué aux interventions alors que toutes les études prouvent qu'il faut au minimum 10 rencontres par jeune pour en arriver à des résultats concluants? Combien d'enfants en difficulté devront encore être mis de côté faute de disponibilité?

L'an dernier, une intervention auprès d'un jeune de sixième année m'a fait prendre conscience de l'impact du manque de ressources sur les services aux élèves. Signalé par son enseignante qui le trouvait un peu trop discret et retiré, ma première intervention avec ce jeune, que je nommerai Olivier, ne laissait pas entrevoir qu'il tirait un boulet au pied. Je le mis donc en attente, puisque les procédures administratives veulent que nous procédions par liste de «priorité» et que celle-ci est constamment surchargée.

Faute de disponibilité, je place donc Olivier à la fin de la liste en demandant à son enseignante de garder l'oeil ouvert et de revenir me voir s'il y avait évolution. Une semaine plus tard, l'enseignante me fit part de son impression quant au fait qu'Olivier cachait possiblement quelque chose. Je tasse donc la pile sur mon bureau afin de revoir le jeune et d'établir des moments de rencontre à mon horaire en coupant conséquemment du service à d'autres élèves.

Au fil des rencontres, je réalise que le garçon vivait une situation d'intimidation perdurant depuis trois ans. Sa souffrance était tellement devenue quotidienne qu'il avait abandonné l'idée de trouver de l'aide et perdu espoir que les choses puissent changer, préférant ainsi sombrer dans le silence. C'est-ce qu'on appel de la résignation acquise.

Grâce aux interventions conjointes des acteurs autour de lui, nous avons pu observer une métamorphose complète chez Olivier. D'un enfant retiré et peu souriant, nous avons vu un garçon s'épanouir en quelques mois. Olivier avait retrouvé sa joie de vivre et renoué avec ses amis, mais surtout, se dirigeait vers le secondaire la tête haute sachant maintenant qu'il était toujours possible de changer les choses.

Je me dis que ce jeune aurait pu nous filer entre les doigts et continuer à souffrir en silence comme beaucoup d'enfants. Hélas, avec ces nouvelles compressions, je me demande combien d'autres jeunes en difficulté seront privés de soutien et combien risquent de voir leur situation se détériorer.

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