Dans un monde où de plus en plus de parents se séparent, on voit un nombre croissant d'enfants s'approprier des conflits habituellement réservés au monde des adultes. Pris dans une tornade émotive, plusieurs parents négligent, ou sous-estiment, la fragilité psychologique des enfants emportés par les conflits « des grands ». Dans certains cas, les jeunes sont même utilisés comme outil de vengeance contre l'autre parent.

Le phénomène connu sous le nom du syndrome d'aliénation parentale (SAP), rapporté par le pédopsychiatre américain Richard A. Gardner, décrit le comportement de gens qui utilisent les enfants afin d'aliéner l'autre parent. Ces parents prennent tous les moyens pour nuire à la relation de l'enfant avec l'autre : en tenant des propos méprisants, en incitant l'enfant à se ranger de leur côté, en l'encourageant à rapporter des informations sur l'ex-conjoint, etc.

Comme l'explique le psychologue Jean-Pierre Cambefort, l'enfant est alors manipulé de manière à choisir un « bon » parent contre un « mauvais » et se retrouve prisonnier d'une instrumentalisation qui fait de lui le « soldat » d'un parent. Il est alors enrôlé dans une guerre dont il n'est plus que l'arme symbolique et qui le détruira en même temps que le parent aliéné qu'il doit « combattre ».

Ce phénomène, encore mal connu, est considéré comme une maltraitance familiale dans les pays de l'Europe du Nord et même passible d'une condamnation pénale, puisqu'il détruit l'équilibre psychique de milliers d'enfants et de parents. Les enfants sont les premières victimes de ce fléau, car, en plus de vivre de l'anxiété, de la tristesse et de l'inquiétude face aux tensions qu'ils perçoivent, il leur arrive de reproduire ces comportements dans leurs propres relations sociales.

Les cas ne sont pas rares et, malgré la volonté des parents d'offrir la meilleure éducation aux enfants, il arrive souvent que les règles de gestion de conflits soient escamotées. À chaque fois, je me permets de questionner les parents : « Comment réagiriez-vous si vous appreniez que votre enfant de huit ans consommait de la drogue ? » Les parents trouvent la situation inimaginable et dramatique, et pourtant, exposer nos enfants à des guerres d'adultes a probablement un effet tout aussi néfaste sur leur développement. Assurer une protection psychologique aux enfants est tout aussi important que leur offrir une saine alimentation, une bonne éducation et un bon environnement social.

Il m'arrive fréquemment de rencontrer ces petits êtres vivant un conflit de loyauté. Aimant leurs parents autant l'un que l'autre, ils peuvent ressentir un déchirement, de l'impuissance ou même de la culpabilité vis-à-vis des affrontements dont ils sont témoins. Ce n'est qu'au bout de plusieurs rencontres que l'enfant, manifestement perdu dans l'incompréhension et la peur, arrive à trouver les mots pour exprimer ses émotions, ses pensées et ses angoisses.

Oscar Wilde a dit : « les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelques fois, ils leur pardonnent ». Bien que l'amour de l'enfant envers ses parents soit inconditionnel, il ne suffit pas toujours à guérir les blessures du passé. Il ne faut donc pas sous-estimer l'impact à long terme de nos comportements sur nos petits ni s'étonner qu'un enfant « pris en otage » dans ces guerres d'adulte puisse, au fil du temps, devenir l'ado qui nécessite du soutien pour des excès de colère, un trouble de comportement ou de la délinquance. Après tout, les parents sont les premiers modèles de leur progéniture, l'arc qui les projette dans l'avenir.

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