On ne peut pas reprocher à Diane De Courcy de jouer les kamikazes avec l'avenir du français. Dès le départ, la ministre a pris bonne note du statut minoritaire de son gouvernement en déposant un projet de loi qui ne traitait pas des écoles passerelles et qui renonçait à assujettir les cégeps à la loi 101. La ministre n'a pas non plus fait mystère de l'opposition constatée à propos de certaines mesures phares du programme linguistique du PQ.

Cette semaine, elle démontrait sa capacité d'écoute en se rendant aux critiques justifiées à l'encontre des dispositions trop carrées visant le retrait du statut de «municipalités bilingues», lorsque les anglophones tombaient en deçà du seuil des 50%. Cette mesure apportait peu pour défendre le caractère français du Québec et apparaissait mesquine à l'égard de droits reconnus à notre minorité historique. On gagnerait davantage en obtenant la révision, toujours repoussée, de la politique linguistique de la Ville de Montréal.

La ministre lâchait aussi du lest devant la CAQ en renonçant à agir sur le droit des enfants de militaires de fréquenter l'école anglaise. Ce pragmatisme l'honore.

On ne saurait cependant exiger qu'elle recule au point d'adopter une réforme vidée du coeur de sa substance.

Dans ce cas, le retrait du projet de loi 14 devrait être envisagé pour préserver la capacité d'agir dans un contexte de gouvernement majoritaire. On ne va pas se payer à répétitions les énormités proférées par certains groupes anglophones, alors que la presse francophone se faisait bien discrète sur ces débordements.

L'opposition devra s'assumer devant l'électorat. Les objections de la CAQ sur la langue de travail sont de la même farine que celles évoquées par les libéraux. Aucune mesure coercitive, même quand le français recule! En effet, selon les données publiées par l'Office québécois de la langue française en novembre, l'usage du français en milieu de travail à Montréal a reculé de 6% entre 1989 et 2010. On y apprend qu'à peine 73% des commerces du centre-ville accueillent leur clientèle en français. Que dire enfin de ce sondage de 2007 qui révèle que 40% des petites entreprises montréalaises vivent sur le pilote automatique et exigent l'anglais pour TOUS leurs postes?

C'est triste, mais le recours aux mesures incitatives a démontré son incapacité à combattre la bilinguisation de Montréal. Il n'y a pas plus zélotes que les toujours et les jamais en matière de coercition. Sans les disposions musclées de la loi 101 sur la langue d'enseignement, nous n'aurions pu inverser la tendance auprès des enfants d'immigrants.

Faire du refus de toute coercition une question de principe est absurde. À ce chapitre, la seule vraie question de principe pour un gouvernement du Québec, c'est de défendre le français comme socle de notre identité collective et de notre cohésion sociale en adoptant les mesures législatives nécessaires. Le français ne pourra jamais s'imposer s'il ne s'impose pas à l'école et au travail.

Le sens de la mesure et le respect des minorités logent ailleurs. Quel cas fait un François Legault du droit au travail des immigrants que l'on a attirés en leur vendant un Québec francophone? Quel cas fait-il des droits de la minorité anglaise quand il s'objecte maintenant à ce qu'on lui accorde priorité dans les cégeps anglophones?

Par ailleurs, le gouvernement devrait s'assurer que nos jeunes maîtrisent l'anglais, voire même une troisième langue. Voilà une exigence de notre temps. Voilà aussi qui freinerait l'attrait du cégep anglais pour nos concitoyens qui n'y voient qu'un moyen de devenir bilingue. Voilà enfin qui couperait l'herbe sous le pied des libéraux, qui brouillent les cartes, en confondant tendancieusement bilinguisme individuel et bilinguisme institutionnel.

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