Je suis frappée par la vacuité des propositions émanant de la campagne à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ). Ce sont plutôt les accrochages entre les candidats qui retiennent l'attention. On est à des lunes des grands brassages d'idées annoncés. Étonnant de la part du plus vieux parti politique du Québec, d'un parti qui a conduit de grandes réformes et s'est longtemps fait porteur d'une vision du Québec au sein du Canada.

Le deuxième débat qui a abordé la question du fédéralisme canadien est révélateur de cet état de fait. Loin de mettre de l'avant une vision renouvelée, ce parti s'enfonce dans le déni des réalités. Certes, le PLQ a connu plusieurs déboires sur ce front: échec de l'accord du lac Meech, scission au sein du parti et création de l'ADQ, sans parler de la frousse émanant du référendum de 1995. On peut comprendre qu'à court terme, ce parti ait choisi de se tenir à distance du terrain miné des réformes constitutionnelles.

Mais les réalités de fond restent les mêmes. Une majorité de Québécois demeurent blessés du coup de force de 1982. Ils continuent de s'opposer à la ratification de la Constitution. Le poids numérique du Québec diminue. Des gouvernements peuvent désormais être élus au Canada sans le Québec. Le gouvernement, par les juges, s'exprime à travers la Cour suprême sur laquelle nous n'avons aucune prise. Chaque jour, cette cour peut battre en brèche la volonté exprimée par l'Assemblée nationale, comme trop souvent dans le dossier de la langue.

Le PLQ devra prendre acte qu'au Québec, une large majorité de la population est constituée d'autonomistes et d'indépendantistes qui ne toléreront pas éternellement les allégories faciles d'un Jean Charest qui prétendait que le fruit n'était toujours pas mûr, sans ne jamais rien proposer pour en accélérer le mûrissement. Il y a des limites à balayer les contradictions sous le tapis.

La palme de l'insensibilité revient à Pierre Moreau pour avoir affirmé sans sourcilier que le fait de ne pas avoir signé la Constitution ne prêtait aucunement à conséquence. Comme si les revendications historiques du Québec défendues officiellement par tous les partis n'étaient que purement accessoires! Faut-il rappeler à M. Moreau que Robert Bourrassa a consacré le plus clair de son deuxième mandat à tenter de réparer la déchirure du rapatriement unilatéral de 1982?

Comment les Québécois peuvent-ils se reconnaître dans un pays qui s'entête à leur refuser toute prise sur la loi fondamentale qui les régit? Cette forme d'exclusion ne fait que s'ajouter aux politiques de droite pratiquées par le gouvernement Harper.

Bien sûr, Philippe Couillard a fait montre de plus d'audace en proposant d'accélérer le mûrissement. Quand on lui a demandé comment, il s'est vite perdu dans les méandres d'une redéfinition de l'identité à la sauce multiculturelle. Je veux bien d'une définition civique de la nation. Elle passe cependant par une adhésion historique à celle-ci, pas par la juxtaposition d'une multitude de solitudes.

Mais là où M. Couillard devient dangereux, c'est quand il affirme vouloir d'entrée de jeu renoncer à toute revendication à l'égard du fédéral pour échapper à la marchandisation. Voilà un altruisme qui s'accommode mal du fait que les Québécois versent la moitié de leurs impôts à Ottawa et qu'ils se considèrent bien peu partie prenante de ce pays! C'est un réflexe si incrusté au PLQ qu'aucun des candidats n'a soulevé l'enjeu majeur du financement fédéral lors du débat sur la santé.

Raymond Bachand, en bon pragmatique, a beau prétendre savoir choisir ses batailles, il y a des batailles qui nous sont imposées par l'histoire. Refuser de les livrer, c'est se condamner à les perdre. Là-dessus, les Québécois sont en droit de savoir

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