Anthony, mon garçon, cette année, je voudrais te dire que la fête des Mères est aussi celle des grand-mères. En fait, une grand-maman, c'est juste une maman qui comprend mieux pourquoi il est important de profiter des enfants pendant qu'ils ont encore besoin de nous.

Si s'occuper de ses enfants pour leur donner des racines et des ailes est exigeant, les voir s'envoler et quitter le nid est parfois tout aussi douloureux. Ma mère a 80 ans et elle pleure encore chaque fois que je la quitte pour revenir au Québec.

Pendant longtemps, Anthony, les scientifiques se sont demandé pourquoi la nature a imposé la ménopause à la femme. La science avance des tentatives de réponses, mais le mystère comporte encore des zones d'ombre. Même si bien des chercheurs expliquent ce phénomène par l'incompatibilité entre le corps d'une femme de 50 ans et les exigences physiques d'un enfantement, cette réponse n'est que partielle.

Le biologiste de l'évolution Michel Raymond a rapporté que des études effectuées à partir de registres paroissiaux en Pologne, en Finlande et au Québec, entre le XIIIe et le XXe siècle, ont révélé que dans les familles où les grand-mères étaient présentes, les filles se reproduisaient plus jeunes et le taux de survie des enfants était beaucoup plus élevé. Cela laisse supposer que la ménopause serait aussi une sorte de retraite imposée aux femmes par la nature pour qu'elles puissent aider leurs propres enfants et, par conséquent, favoriser la survie de leurs petits-enfants, qui sont aussi des véhicules de leur génétique. 

Tous les gens de ma génération savent d'ailleurs qu'après la naissance du premier bébé, avoir une chambre avec vue sur la belle-mère est très sécurisant.

Quand l'être humain, qui a toujours rêvé d'immortalité, a formulé le souhait de ne pas péter au frette, la nature lui a répondu qu'investir de temps en temps dans une voiture neuve était beaucoup plus judicieux pour elle que de retaper la même vieille minoune pour l'éternité. Elle a décidé de recycler nos vieux corps et a caché une partie de notre immortalité dans les spermatozoïdes et les ovules. 

UNE FRONTIÈRE POREUSE

Pour pallier le sevrage des molécules de cette passion amoureuse qui nous rapproche, et que bien des évolutionnistes pensent être un piège inventé par nos gènes pour se perpétuer, la nature a aussi pensé à un ciment hormonal qui aide le couple à rester uni après la passion. C'est entre autres une molécule qui s'appelle l'ocytocine. Elle augmente notre sensibilité au toucher et nous porte aux rapprochements et aux étreintes.

En vérité, Anthony, si la nature a voulu nous accorder cette chance de vieillir ensemble dans une famille, c'est peut-être aussi pour que les grands-parents puissent faire profiter de leur expérience à leurs petits-enfants et leur donner toutes les chances de survivre et de perpétuer les gènes qu'ils partagent avec eux.

La frontière entre la mère et la grand-mère est très poreuse. C'est pour ça que lorsqu'une femme est enceinte d'une petite fille, elle porte aussi une partie de ces petits-enfants potentiels. 

En effet, avant d'arriver à terme, cette fillette confortablement installée dans le ventre de sa maman a déjà tous ces ovules potentiels dans son petit corps. Ce qui veut dire, Anthony, que ta grand-mère a porté une partie de toi alors que ta propre mère était dans son ventre. Comme si la nature voulait que ta grand-mère soit un peu ta mère. Comme quoi, bien avant la biologie, la langue française avait raison de parler de « grand-maman ».

Voilà, Anthony, pourquoi il faut fêter doublement les grand-mamans pendant la fête des Mères.

Bonne fête des Mères à tous !

À compter d'aujourd'hui, Boucar Diouf anime pour une deuxième saison La nature selon Boucar sur les ondes d'Ici Radio-Canada Première. L'émission sera diffusée le samedi de 11h à midi.

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