Il y a un proverbe de mon pays qui dit que celui qui ne se lasse jamais de crier sa joie de vivre n'entendra bientôt plus d'autres cris. Une sagesse ancestrale qui, à mon avis, décrit assez bien cette allégresse qui a toujours habité Nelson Mandela alors qu'il avait toutes les raisons d'être amer.

En liberté comme à la présidence, et même pendant ses 27 années de galère en prison, Mandela a toujours prêché le pardon et la réconciliation avec ce sourire désarmant, même pour ses ennemis les plus redoutables.

Mandela, c'est ce grand fleuve descendu des montagnes qui a abreuvé généreusement tous les gens de la plaine avant de mourir dans les sables du désert. Mais s'il est vrai, comme disent les Malgaches, qu'un homme n'est vraiment mort que lorsque les vivants l'ont oublié, ce tracé sinueux qui l'a mené de la prison à la présidence restera pour toujours une source pour étancher la soif des nouvelles générations.

Mandela, c'était cette aiguille qui a toujours rapiécé la plaie encore ouverte qui gangrène une société sud-africaine meurtrie par des décennies de politiques ségrégationnistes. C'était un grand sage, qui avait préféré la parole qui rassemble à celle qui divise, en un moment ou bien des mécontents assoiffés de vengeance attendaient de le voir sortir un couteau et trancher en faveur de ceux qui ont été injustement opprimés à cause de leur couleur.

Mandela, c'est celui dont l'engagement sans bornes permet aujourd'hui à un Noir, même de Soweto, de rencontrer la grandeur de son rêve comme seul obstacle à son avenir. La dernière fois que je suis allé à Johannesburg, il y avait dans l'avion en partance de Dakar des jeunes Sénégalais et Guinéens qui allaient tenter l'aventure en Afrique du Sud, signe que ce pays avait beaucoup changé.

Mandela, c'est celui qui avait tendu la main sans accepter de se faire tordre le bras, parce qu'adhérant à cette table de fraternité et de réconciliation dont parlait Martin Luther King dans son fameux rêve. C'est pour ça qu'aujourd'hui, même si les vieilles racines continuent de se chicaner dans la terre de son magnifique pays, les branches et les fleurs de la nouvelle Afrique du Sud commencent timidement à s'embrasser dans les airs, annonçant ainsi les prémices de cette nation arc-en-ciel dont il avait toujours rêvé. 

Mais est-il facile de créer une société interraciale quand les mariages, et même les rapports sexuels entre hommes et femmes de couleurs différentes, étaient légalement prohibés par des politiques ségrégationnistes et inhumaines?

Dans mon ethnie Sérère du Sénégal, quand un grand homme s'éteint, on a coutume d'organiser un gros party pour saluer son passage sur cette terre et le remercier d'avoir mis le bien de sa communauté avant ses ambitions personnelles. Étant donné que Mandela adorait les refrains traditionnels que les Noirs des townships érigeaient en puissant bouclier contre la répression policière, il faudrait célébrer en chanson son voyage au pays des ancêtres.

Pendant cette grande célébration planétaire, Johnny Clegg, devrait entonner la chanson Asimbonanga, qu'il a écrite pour le patriarche. Ce serait l'occasion de rappeler le travail de ce Zoulou blanc, qui s'était insurgé contre les politiques de l'apartheid en se liant d'amitié avec des musiciens de race noire.

Quand un baobab de la taille Mandela s'effondre, il arrive que ceux qui profitaient de son ombre et de sa générosité vivent des moments de tristesse, de nostalgie et d'incertitude. 

Espérons donc que l'idéal de Nelson Mandela continuera à inspirer cette Afrique du Sud encore socialement très fragile.

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