Il fut un temps où les papas avaient scientifiquement le grand rôle dans la conception. Non, disons pour être plus précis qu'il est fini le temps où les papas s'attribuaient sans partage le premier rôle dans la reproduction. Une autoproclamation qui a commencé en 1677, lorsqu'un marchand de tissus d'origine hollandaise nommé Van Leeuwenhoek a découvert dans sa semence des bibittes qu'il baptisa spermatozoïdes.

Intrigués par cette trouvaille inusitée, les papas n'avaient pas tardé à étudier à la loupe à quoi servaient leurs petits locataires testiculaires. Après quelques années d'investigation, ils représentaient déjà le spermatozoïde avec un petit être humain accroupi dans sa tête, admettant ainsi égoïstement que la femme était à la reproduction ce que le pot de fleurs est à la germination d'une plante. Elle ne servait qu'à faire pousser ces petits germes d'origine masculine qu'on appelait des homoncules. Solidarité masculine oblige, les petits homoncules donnaient les filles et les plus gros, des garçons.

Il a fallu attendre 1887, c'est-à-dire 210 ans après la découverte du spermatozoïde, pour que deux scientifiques, Oscar Hertwig et Herman Fol, mettent en doute cette suprématie des papas en démontrant que le foetus résultait de la fusion entre un spermatozoïde et un ovule d'origine maternelle. À partir de ce moment, le rôle du papa dans la conception n'a cessé de dégringoler.

Le premier acquis qui a filé entre les mains des papas est leur contribution dans la formation du foetus, qu'ils évaluaient à 50%. Cette révision à la baisse est arrivée quand on a découvert que les ovules préféraient la tête du spermatozoïde à sa queue. Que voulez-vous, ils ont les mêmes goûts que les femmes qui les produisent! Or, la base de la queue du spermatozoïde contient des petites centrales appelées des mitochondries, qui fabriquent l'énergie de propulsion du flagelle. Puisque les mitochondries de l'homme sont rejetées par l'ovule, un enfant n'hérite que de ceux de sa mère.

Voilà donc pourquoi la contribution maternelle est très faiblement supérieure à celle de l'homme. Autrement dit, étant donné que la mère de Barack Obama est blanche, n'en déplaise à ceux qui n'aiment pas le mot «métis», ce dernier est un tout petit peu plus Blanc que Noir.

Après avoir vu leur apport dans le foetus révisé à la baisse, les papas ont eu un deuxième choc avec la naissance en 1978, dans un hôpital britannique, de Louise Brown, le premier bébé-éprouvette. Une fécondation in vitro qui établissait clairement que la femme qui le désire pouvait faire un enfant sans coucher. La tristesse était aux portes des phallocraties parce qu'un spermatozoïde préalablement gelé pouvait faire leur job.

Avec la naissance de Dolly, en 1996, des chercheurs écossais donnèrent un autre coup à la forteresse déjà vacillante des paternels. Pour garder l'équilibre, les papas s'agrippèrent alors sur l'essentialité encore incontestée de leurs spermatozoïdes dans la conception. Mais malheureusement pour eux, quelques années après ce premier clonage, des biologistes américains obtenaient un embryon humain à partir de deux ovules provenant de deux femmes différentes. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, on venait donc de prouver aux papas que leurs spermatozoïdes aussi pourraient être complètement accessoires dans une conception.

Pour éviter l'extinction, les papas ont relu Darwin et compris que s'adapter ou périr était la loi immuable de l'évolution. C'est pour ça que de nos jours, ils ont tant évolué qu'on étudie les variations de prolactine et d'ocytocine dans leur sang. Si ces hormones «féminines» favorisent la lactation chez la maman, leur augmentation dans le système paternel, combinée à une baisse de testostérone, serait une adaptation à l'arrivée du bébé. Tout se passe comme si la nature imposait une pseudoféminisation post-partum au conjoint pour diminuer sa libido et augmenter son altruisme. L'ocytocine est en effet surnommée l'hormone de l'attachement et de la famille.

Si l'évolution a inventé cette identité sexuelle transitoire, l'émancipation des femmes a catalysé sa pleine expression chez les papas qui s'impliquent dans le maternage; ces géniteurs d'un genre nouveau qui cajolent, caressent, dorlotent, bécotent, calment, donnent le bain et changent les couches; ces papas qui ont décidé d'explorer leur côté féminin pour rester indispensables. Comme le disait un grand-père qui n'est pas le mien: «If you can't beat them, join them».

Bonne fête à tous les papas aimants!

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