Je voulais ajouter un article à cette couverture déjà massive de la commission Charbonneau, mais j'ai décidé à la dernière minute de résister à la tentation.

Au lieu de déverser ma bile, j'honore cette sagesse populaire qui veut que le bonheur soit dans les petites choses en racontant des histoires de spermatozoïdes. Ces minuscules bibittes flagellées ont des comportements qui peuvent peut-être nous aider à comprendre les travers de ces mâles imbibés de testostérone qui défilent depuis quelques mois à la barre de ce lavage de linge sale national.

Avant 1970, on voyait les spermatozoïdes comme un groupe monolithique de petits entrepreneurs qui se livraient une saine lutte pour décrocher un contrat de fécondation d'un ovule. Mais les travaux de Geoff Parker en 1970 allaient bousculer cette vision un peu idyllique de nos locataires testiculaires. Deux ans avant que la CECO ne brasse la marde dans l'industrie de la construction québécoise, ce chercheur qui étudiait la mouche du fumier démontrait que les spermatozoïdes aussi pouvaient se livrer des guerres sans merci pour l'obtention de contrats de fécondation.

Cette guerre des spermes, aussi appelée compétition spermatique, est engendrée chez des espèces polyandres par le fait que les femelles sont capables de s'accoupler avec plusieurs mâles pendant leur période de fécondité. Les ovules étant une denrée aussi rare que les contrats publics, les spermatozoïdes du même éjaculat travaillent alors en équipe et vont jusqu'à former de véritables consortiums pour optimiser leurs chances de mettre la main sur un oeuf.

Pendant que certains mâles de certaines espèces misent sur le nombre de joueurs de leur équipe pour diluer les adversaires, d'autres se dotent de groupes de spermatozoïdes particuliers capables de barrer complètement la route aux cellules flagellées adverses pour les empêcher de déposer leur soumission à temps. Il y aurait même, selon certains biologistes, des spermatozoïdes kamikazes capables de s'attaquer physiquement à leurs compétiteurs pour favoriser leurs amis.

Bref, le comportement des représentants de la masculinité en situation de compétition n'a rien à envier au système nébuleux d'attribution des contrats décortiqué dans cette commission.

Les spermatozoïdes sont si entreprenants et entrepreneurs que même après la fécondation, ils continuent de harceler l'ovule. Heureusement, contrairement à certains de nos élus municipaux, ce dernier ne se laisse pas corrompre facilement. Les ovules ont développé des systèmes de protection à plusieurs niveaux pour se prémunir contre les risques de polyspermie. Ce terme très poétique est utilisé par les biologistes pour traduire l'entrée désastreuse de plusieurs spermatozoïdes dans le même oeuf. En plus d'utiliser l'électricité, les ovules sont capables de s'emmurer solidement. Ils produisent aussi des ciseaux moléculaires pour raser tous les sites de fixation à leur surface susceptibles de servir de point d'ancrage aux spermatozoïdes les plus collants, et colons, qui ne se laissent pas décourager par l'exhibition d'une bague de fiançailles.

Sans vouloir minimiser le rôle des entrepreneurs dans cette nébuleuse saga de la construction, je pense que les vrais responsables sont les employés et élus municipaux qui n'ont pas su faire d'eux de véritables ovules. D'ailleurs, si les femmes ont les mêmes qualités que leurs cellules sexuelles, c'est peut-être le temps d'ajouter des combinaisons XX dans ce milieu déjà saturé de XY. Quand vient le temps de décrire les qualités d'un bon entrepreneur, le caractère entreprenant de la personne est souvent mis de l'avant. Or, les femmes savent plus que quiconque comment éloigner ce type de prédateur lorsqu'il est indésirable. À force de subir leurs assauts, elles ont compris que le moindre signe d'ouverture sera interprété comme une invitation à coucher.

Fermer toutes les issues, détourner son regard et refuser de sourire restent la seule chose à faire pour se préserver.

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