Quelques pistes de solution pour encourager davantage de gens à marcher.

Retrouver ses repères

Le déclin de la marche n’est pas une fatalité. De nombreux courts déplacements qui se font aujourd’hui en voiture pourraient se faire à pied. À Québec par exemple, on sait par la dernière Enquête origine-destination que 50 % des déplacements de moins de 1 km sont faits en automobile, tout comme 77 % de ceux de moins de 5 km. « Je pense que les gens n’ont plus de repères par rapport à la distance qu’ils sont capables de parcourir à pied », note Sandrine Cabana-Degani, directrice de Piétons Québec. Certaines villes ont commencé à installer des panneaux qui indiquent la durée plutôt que la distance d’un déplacement à pied. « Imaginez une pancarte qui indique “15 minutes vers la bibliothèque”. Ça permet aux gens de se dire : “Ah ben, je ne pensais pas pouvoir le faire à pied, mais dans le fond je suis capable.” »

Protéger les piétons

Le dernier bilan routier annuel disponible, celui de 2022, recensait 79 piétons tués sur les routes du Québec, une hausse de 23 % par rapport à l’année précédente. C’est le plus meurtrier bilan des 15 dernières années pour les piétons. Les choses ne vont pas dans la bonne direction. « En mobilité active, c’est comme la pyramide de Maslow, la sécurité, c’est la base. Si on veut favoriser les modes actifs, il faut se sentir en sécurité dans nos déplacements, estime la directrice de Piétons Québec. Tout le travail que la ministre des Transports a amorcé par rapport au plan d’action en sécurité routière, le projet de loi 48, c’est un premier pas. » Le projet de loi 48 vise à protéger les piétons autour des écoles, en abaissant automatiquement la limite de vitesse à 30 km/h et en permettant l’installation de radars photo.

Des villes engagées

Plusieurs villes ont mis en place dans les dernières décennies des politiques ambitieuses pour favoriser la marche, comme Melbourne ou New York. Paris est l’une des dernières villes en date, avec son plan « Paris Piéton » assorti d’un budget de 300 millions d’euros (440 millions de dollars). Présenté juste avant Noël, le plan prévoit la piétonnisation de 100 rues près des écoles, promet de revoir la largeur des trottoirs et de les végétaliser, d’aménager 50 rues pour les enfants « avec de la nature, des fontaines, des bancs et des marquages ludiques au sol ». Bref, le plan veut « rééquilibrer » l’espace urbain à la faveur des piétons pour leur redonner d’ici 2030 quelque 100 hectares.

De bonnes chaussures

Le neuropsychologue Louis Bherer ne tarit pas d’éloges quant aux bienfaits de la marche pour le cerveau. Lui-même marche le plus possible. « Ce qu’il faut, c’est accumuler les pas, dit-il. Les bienfaits sont tout simplement énormes. » Son conseil pour marcher davantage ? Se prévoir de bonnes chaussures. « La première paire de chaussures sur le bord de la porte, si elle n’est pas adaptée à la marche, tu vas prendre ton auto, tu ne vas pas marcher 5 km. Si je ne suis pas bien chaussé, ce n’est pas confortable. Alors je dirais d’investir dans une bonne paire de chaussures. Ça ne coûte rien comparé à un abonnement au gym. » Il ajoute : « Un des prédicteurs d’activité physique, c’est d’avoir accès rapidement à notre équipement, à nos chaussures, à nos vêtements adaptés. Ces petites habitudes n’ont l’air de rien, mais peuvent faire toute la différence dans le choix immédiat, quand je vais arriver le matin et que ce sera le temps de prendre une décision. Je vais être prêt à faire de l’activité physique. »

Des données, ça presse !

Combien de pas font les Québécois chaque semaine ? Marchent-ils plus qu’il y a 10 ans ou moins ? Ces questions sont primordiales, selon les experts, pour concevoir une vraie stratégie de santé publique axée sur la marche. « Si on veut mettre en place des actions, il faut mesurer leurs impacts ! », lance Mme Cabana-Degani. Or, le gouvernement ne les a pas en main. Québec se fie, pour ses politiques en transport actif, à des données de l’Enquête origine-destination pour Montréal. « On n’a pas de portrait clair pour la marche au Québec. C’est dommage de ne pas y aller à l’échelle du Québec, note Mme Cabana-Degani. Il y a bien des villes où la marche peut être un mode de transport accessible, intéressant et compétitif par rapport aux autres modes de transport. »

Favoriser la marche à l’école

En 1971, environ 80 % des enfants au pays marchaient pour se rendre à l’école. Ils n’étaient plus que 22 % en 2018. Le projet de loi 48 veut justement sécuriser les pourtours des écoles. Mais le collectif Pas une mort de plus aimerait que le gouvernement aille encore plus loin, en sécurisant non pas seulement la « zone scolaire », mais aussi les corridors scolaires. « La zone scolaire est très restreinte et ne concerne que les tronçons de rue directement adjacents à une école. Or, les élèves ont besoin que l’ensemble de leur trajectoire soit sécuritaire », indique le collectif dans un mémoire.

Revaloriser l’ordinaire

Les médias sont remplis d’histoire de ces Québécois qui se dépassent lors d’un marathon, gravissent des sommets enneigés, se rendent au bout du monde en ski de fond… Mais on parle moins de Michel, 66 ans, qui sort marcher tous les jours pour se maintenir en bonne santé. « De plus en plus, on est en train de réaliser que c’est la voie du milieu qui donne la meilleure santé et la meilleure longévité », relève le cardiologue Michel White, professeur titulaire de médecine à l’Université de Montréal. La marche est l’activité tout indiquée pour une bonne part de la population, dit-il. Elle n’apporte pas tous les gains de la course, par exemple, pour bâtir les muscles et prévenir l’ostéoporose. Mais elle est à la portée de tous et permet de garder une bonne forme cardiovasculaire. « Si les gens marchaient plus, les villes seraient vertes, leur forme cardiovasculaire serait meilleure, les gens seraient plus minces et auraient moins de problèmes de diabète, de cholestérol, etc., énumère le DWhite. On devrait faire la promotion des activités modérées mais fréquentes pour maintenir notre population en bonne santé, plutôt que des choses extrêmes. Il faut revaloriser l’ordinaire. »