Dernièrement, j’ai profité d’une belle matinée ensoleillée d’hiver pour faire une marche de santé dans mon quartier du Plateau-Mont-Royal. À l’intersection du boulevard Saint-Joseph et de l’avenue Christophe-Colomb, un autobus de la STM a roulé sur ma canne blanche. Je l’ai échappé belle.

Cela fait quatre ou cinq ans qu’une demande d’installation de feux sonores à cette intersection a été présentée à la Ville, mais rien n’a été fait. Les feux sonores, c’est beaucoup plus qu’une question d’accessibilité : c’est une question de vie ou de mort. Mais la Ville n’a toujours pas de plan d’action en matière de sécurité routière pour les piétons non voyants. Les feux sonores sont rarement intégrés dans ses aménagements piétonniers.

De nombreuses études démontrent que les feux sonores améliorent la traversée des rues pour les piétons aveugles et qu’ils augmentent l’attention de tous les usagers de la route.

Ils peuvent ainsi contribuer à réduire les conflits entre piétons et véhicules ainsi que les collisions aux intersections.

Au Québec, certaines municipalités se sont engagées à rendre les espaces publics accessibles ou ont exprimé la volonté d’assumer un leadership en vue de leur sécurisation. Cependant, à ma connaissance, aucune d’entre elles n’a de plan pour sécuriser les traverses pour les piétons non voyants. La loi suggère aux municipalités de réfléchir à l’accessibilité, mais elle ne les force pas à agir. Il n’existe aucune pénalité. Sans mesures coercitives, il est à craindre que l’accessibilité ne demeure qu’une noble aspiration.

Ailleurs au Canada

Plusieurs villes canadiennes, dont Winnipeg et Sault-Sainte-Marie, se démarquent en installant des signaux piétonniers accessibles à tous les feux de circulation. En 2019, à Toronto, 33 % des intersections étaient équipées d’un signal sonore. Quant à la Ville d’Ottawa, elle dispose actuellement de 941 feux sonores. À maintes reprises, Montréal s’est engagé en faveur de l’accessibilité universelle. En janvier 2022, il n’y avait pourtant que 281 signaux sonores sur ses 2344 feux, soit à peine 12 %.

En 1990, les États-Unis devenaient les pionniers de l’accessibilité en adoptant l’Americans with Disabilities Act (ADA).

De grandes villes comme New York et Chicago ont récemment été sanctionnées parce qu’elles n’avaient pas fourni aux personnes aveugles et malvoyantes un « accès significatif » au réseau piétonnier, en violation de cette loi phare.

Les tribunaux ont reconnu que le manque de signaux sonores était discriminatoire. En conséquence, ils ont ordonné d’en installer à chaque intersection présentant des problématiques de sécurité et d’accessibilité pour ces personnes.

De plus, le tribunal fédéral du district de New York a établi une nouvelle norme en matière d’accès significatif, selon laquelle il faut qu’au moins 70 % des intersections signalées de la ville soient équipées de signaux piétons accessibles. Il a été démontré au tribunal que si des systèmes de signalisation piétonne accessible ne sont pas installés sur l’ensemble du territoire de la ville, les piétons aveugles continueront d’être gênés dans leurs déplacements sur le réseau piétonnier. En deçà de ce seuil minimal, ces intersections sont susceptibles de continuer à mettre en danger et à discriminer les personnes aveugles et malvoyantes.

Appliquer une décision qui ordonne une réparation d’une telle ampleur et oblige la ville à équiper toutes les intersections d’un signal piéton accessible n’est pas une mince affaire. Mais le tribunal soutient que cette mesure corrective est à la hauteur de la violation, commise à l’échelle de la ville, et dans la plus grande ville du pays. Elle est donc conforme à l’ADA et au Rehabilitation Act, en ce qu’elle est adaptée à la nature et à l’étendue de la violation.

Nous, piétons aveugles et malvoyants de Montréal, subissons une discrimination systémique en raison du manque de signalisation piétonne accessible. Sans compter le confinement forcé et l’exclusion sociale que cette situation entraîne.

Étant donné le grand nombre de rues et d’artères commerciales dépourvues de feux sonores, les délais d’installation excessifs et le danger que le manque de signalisation nous fait courir, devrons-nous nous résoudre à intenter une action collective contre la Ville pour que notre sécurité devienne enfin une priorité ?

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