À l’heure où les baby-boomers entrent graduellement dans le grand âge, le patrimoine qui sera légué à la génération suivante sera sans précédent.

Si chaque Canadien recevait le même héritage, les inégalités entre les avoirs nets de chacun seraient réduites de 40 %, révèle une étude, publiée en 2022 dans le Journal of Economic Inequality. Elle résume bien, aux yeux de la sociologue Maude Pugliese, combien le fait d’avoir un héritage ou pas teinte le destin financier de chacun.

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La sociologue Maude Pugliese, professeure agrégée à l’Institut national de la recherche scientifique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en expériences financières des familles et inégalités de patrimoine

Et creuse les inégalités, en raison de l’effet boule de neige par lequel « les plus riches deviennent plus riches en grande partie parce qu’ils ont reçu plus d’héritage », relève Mme Pugliese.

Comme Mme Pugliese, Richard Guay, professeur en finances à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, insiste sur le fait que la transmission du patrimoine sera très inégale d’une famille à l’autre.

D’un côté, il y aura ceux qui hériteront d’un bon magot ; de l’autre, ceux qui n’obtiendront presque rien parce que leurs parents ont été locataires, sont morts endettés ou ont vécu d’une rente viagère qui s’éteint avec eux.

Selon un sondage IPSOS réalisé en 2023 pour le compte de la Sun Life auprès de Canadiens, les baby-boomers qui comptent léguer tous leurs avoirs à leurs enfants espèrent leur transmettre 940 000 $ en moyenne. Une somme largement supérieure à ce à quoi s’attendent leurs héritiers, qui croient ne recevoir que 309 000 $.

Nous assistons à la plus importante transmission de patrimoine d’une génération à l’autre de l’histoire du Canada.

Rowena Chan, de la Sun Life, au moment de la diffusion de ce sondage

Julie, qui est dans la quarantaine, explique que l’héritage reçu récemment de son père lui a permis de régler l’ensemble de ses dettes. « Ça m’a enlevé beaucoup de stress », dit celle qui a demandé à ce que son nom ne soit pas divulgué étant donné la nature privée de ces questions.

Ceux qui seront privés d’héritage n’auront jamais cette chance. Mais l’accroissement des inégalités est-il inévitable pour autant ?

Richard Guay note qu’à tout le moins, tant le fédéral que le provincial viennent d’augmenter l’impôt sur le gain en capital, ce qui se traduira par une certaine redistribution de la richesse.

« C’est clair que cette mesure vise notamment les impôts sur les héritages », note-t-il.

Antoine Genest-Grégoire, professeur adjoint en fiscalité à l’Université de Sherbrooke, signale qu’on pourrait aller plus loin. Pour mieux redistribuer la richesse, on pourrait envisager « d’offrir une dotation en capital à tous les jeunes adultes ». « Essentiellement, on prélève sur des héritages très inégaux pour donner à tous un capital uniforme de début de vie, explique-t-il. Ce capital peut servir à payer les études, démarrer une entreprise ou servir de mise de fonds pour un logement ». Une pension pour jeunes adultes ? M. Genest-Grégoire répond que quand cette idée est abordée, on pense « à un seul montant offert à la majorité ».