En cette ère de colère et d’indignation, il faut saluer la sagesse et la modération lorsqu’elles se montrent le bout du nez.

Et justement, on en trouve beaucoup dans l’avis de cinq pages qui a été rendu public récemment par le comité mis en place par la Ville de Montréal pour se prononcer sur le sort de la statue controversée de John A. Macdonald.

L’avis ne dit pas précisément ce qu’on devrait faire de cette statue, mais il balise le chemin que Montréal pourrait emprunter.

Et il tend vers une solution de compromis inspirante.

Découvrez cet avis

Sa réponse aux questions qu’on se pose ne plaira ni aux militants qui rêvent d’effacer toute trace de John A. Macdonald de la mémoire collective ni à ceux qui ne veulent pas qu’on touche à un seul cheveu de cette statue.

Et… c’est plutôt bon signe.

En clair, la seule option qui a été écartée par le comité, c’est le statu quo.

On s’oppose, plus précisément, à « la possibilité d’une restauration intégrale du monument qui impliquerait la réinstallation à l’identique de la statue de bronze sur son socle et sous le baldaquin ».

On cite notamment les « politiques assimilatrices et génocidaires qu’il a mises en œuvre à l’endroit des peuples autochtones » pour en conclure qu’il est « nécessaire de se distancer de cet héritage de John A. Macdonald et de la vision coloniale représentée par le monument ».

C’est incontestable. Le drame des pensionnats pour Autochtones est désormais inscrit dans notre conscience collective. On ne peut plus occulter le rôle joué par John A. Macdonald dans cet épisode sombre de l’histoire du pays.

Mais notons combien l’avis du comité est nuancé quant à l’avenir de la statue qui se trouvait place du Canada avant d’être déboulonnée par des manifestants en 2020.

« Le comité n’exclut toutefois pas l’utilisation de la statue de bronze ou de son image dans une interprétation renouvelée », précise-t-on.

Non, les membres du comité ne disent pas que John A. Macdonald doit être condamné à croupir dans les oubliettes de l’histoire, même si leur avis a pu être interprété de cette façon par certains au cours des derniers jours.

Il importe de remettre les pendules à l’heure alors qu’on se penchera sur cet avis lors d’une séance d’étude publique mercredi prochain.

Il importe, aussi, de dire que le comité a raison. La statue controversée, sans être posée sur son socle comme auparavant, pourrait assurément être réinstallée sur la place du Canada, mais dans un contexte différent. Avec, obligatoirement, l’ajout d’un texte interprétatif pour mettre en évidence les politiques assimilatrices barbares de John A. Macdonald et de ses pairs.

Mais la statue de John A. Macdonald ne peut pas tout bonnement être comparée, par exemple, à celles des soldats et généraux confédérés aux États-Unis, dont beaucoup ont été érigées dans le but avoué de glorifier la Confédération (et par conséquent la ségrégation).

John A. Macdonald n’était pas non plus un simple marchand d’esclaves, comme l’homme d’affaires britannique Edward Colston, dont la statue a été déboulonnée il y a deux ans à Bristol.

Son héritage est plus complexe…

On a balayé sous le tapis pendant trop longtemps le rôle de John A. Macdonald dans la création des pensionnats pour Autochtones, tout en tolérant d’autres abominations, comme sa responsabilité dans la pendaison de Louis Riel.

Mais jouer les redresseurs de torts en passant sous silence les réalisations de celui qui fut l’un des principaux architectes de la Confédération canadienne — et le tout premier premier ministre du pays — n’est pas souhaitable.

Les nuances doivent être de mise quant à la place de John A. Macdonald dans l’histoire canadienne. Mieux vaut préférer le gris.

D’ailleurs, ce qu’on peut reprocher à l’avis du comité, c’est qu’il ne s’attarde pas suffisamment sur les côtés moins sombres du politicien.

La réinterprétation pour laquelle il plaide « devrait clairement rejeter la vision coloniale du Canada mise de l’avant par Macdonald et évoquer les valeurs collectives que l’on veut transmettre ». Fort bien. Mais il ne faudrait pas non plus tomber dans le révisionnisme.

Il serait anormal de ne pas expliquer, par exemple, qui était John A. Macdonald et pourquoi on l’a si longtemps célébré d’un océan à l’autre. Ou de ne pas évoquer le contexte ayant mené à l’érection de sa statue, tout comme la symbolique du lieu choisi comme emplacement à l’époque.

Il n’est pas illusoire de penser qu’on peut trouver une voie de passage entre la glorification et l’« annulation ». Il faut veiller à ce que les nuances aient encore leur place dans ce genre de débat enflammé.

Lorsque le conseil municipal de la Ville de Montréal aura à prendre une décision définitive sur l’avenir de la statue de John A. Macdonald, en février prochain, c’est cette voie de passage qu’il devrait emprunter.