L’obésité continue de progresser au pays. C’est ce qu’indique l’analyse des données de Statistique Canada par La Presse la semaine dernière. Ces conclusions, qui n’ont pas encore été validées scientifiquement, confirment toutefois, sans surprise, que la tendance s’est accentuée durant la pandémie.

Nous écrivons « sans surprise » parce que nos habitudes ont été bouleversées par la pandémie : le télétravail, la fermeture des gyms, les couvre-feux et l’anxiété généralisée ont eu des impacts sur l’activité physique, le sommeil et l’alimentation d’un très grand nombre de Québécois et de Canadiens. Un impact dont on n’a pas fini de mesurer l’ampleur.

Lisez notre texte « Le taux d’obésité poursuit son ascension au pays »

Mais de quoi parle-t-on au juste quand on parle d’obésité ? D’un point de vue scientifique, l’obésité est définie par plusieurs critères, à commencer par l’indice de masse corporelle (IMC) qui doit être supérieur à 30. Comme il s’agit d’un indicateur imparfait, car trompeur (on peut avoir un IMC élevé en étant très grand sans pour autant être considéré comme obèse), l’IMC doit être accompagné d’autres critères comme le taux de graisse et le tour de taille.

L’ensemble de ces indicateurs permet aux scientifiques de monitorer la progression de l’obésité dans une population donnée afin de mieux prédire et prévenir l’incidence de certaines maladies comme les cancers, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Selon Statistique Canada, 27,6 % des Québécois et 29 % des Canadiens étaient obèses en 2021 (les proportions étaient de 23,9 % et 26 % en 2015).

Avec les années, on a réussi à mieux identifier les causes de l’obésité : la génétique, les habitudes de vie, l’alimentation… On a aussi amplement documenté le rôle de l’environnement sur l’incidence de l’obésité : l’aménagement des villes qui ne favorise pas toujours le transport actif, l’omniprésence des écrans dans nos vies et sa résultante, la sédentarité. Et surtout, l’accès, dans un quartier, à des aliments sains à un prix accessible. En temps d’inflation et de récession, ce dernier facteur est plus crucial que jamais.

L’Organisation mondiale de la santé a demandé à tous les pays d’adopter un plan de match pour prévenir l’obésité qui tue désormais plus de gens sur la planète que la malnutrition. On n’y échappera pas, ça passe surtout par l’éducation.

Tout le monde gagne à adopter de saines habitudes de vie, mais en ciblant les enfants par la prévention et l’éducation, on s’assure que les bonnes habitudes s’implantent tôt et solidement. En Californie par exemple, on a mis sur pied un programme fédéral qui distribue des petits-déjeuners et des lunchs santé dans les écoles.

Ensuite, il faut travailler sur l’offre alimentaire, déficiente dans bien des villes et régions qu’on qualifie alors de « déserts alimentaires ». Au Québec, un projet-pilote en cours pourrait, s’il donne de bons résultats, accoucher d’un programme à plus grande échelle. Il s’agit de subventionner l’achat de fruits et légumes pour les familles moins favorisées. Une étude de l’INSPQ a démontré que la distribution de coupons ou de cartes prépayées est moins stigmatisante que d’obliger les gens à aller faire la file pour un panier de denrées, par exemple, et qu’elle contribue à impliquer les détaillants dans la promotion d’une alimentation saine.

En plus d’augmenter l’offre de produits sains, on peut décourager l’achat de produits pauvres sur le plan nutritif. Comment ? En taxant les produits néfastes pour la santé comme les boissons sucrées, par exemple. On ne parle pas d’une taxe symbolique, mais bien d’une taxe de 10 % ou plus qui ferait une différence dans le portefeuille. Ce n’est pas la première fois qu’on évoque une telle taxe, on en parle depuis des années. Terre-Neuve-et-Labrador, où 42,2 % de la population était obèse en 2021, est la première province au pays à l’avoir adoptée l’automne dernier. On souhaite que cette taxe de 20 sous sur les boissons sucrées contribue à modifier les habitudes, une conséquence que plusieurs études tendent à confirmer. Mais une taxe seule a un impact limité. Elle doit être accompagnée d’autres mesures. Le gouvernement terre-neuvien s’est donc engagé à investir en prévention les sommes recueillies, évaluées à environ 9 millions de dollars.

Les gouvernements pourraient travailler de concert avec les producteurs de boissons sucrées afin qu’elles fassent partie de la solution en développant des produits moins nocifs pour la santé.

Les municipalités peuvent, elles aussi, faire partie de la solution en utilisant leurs règlements de zonage.

L’an dernier, la Cour d’appel du Québec a donné raison à l’arrondissement de Côtes-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce en confirmant la validité du règlement municipal qui interdisait, dans des secteurs déterminés, l’implantation de nouveaux établissements de restauration rapide à proximité des écoles. Les études sont claires : la proximité de ces établissements a un impact négatif sur les choix alimentaires des jeunes.

Les municipalités pourraient très bien définir une zone d’alimentation santé autour des écoles en encourageant les commerces à mettre les fruits et légumes et repas santé en valeur. On pourrait également accorder un permis spécial aux camions de rue offrant un menu santé autour des établissements d’éducation.

La vérité, c’est que ce ne sont pas les idées qui manquent pour faire la promotion des saines habitudes de vie. C’est, trop souvent, la volonté de les implanter.