Il n’est pas trop tard.

Le premier ministre Justin Trudeau doit ajouter Charm el-Cheikh, en Égypte, à la liste des villes qu’il s’apprête à visiter au cours des prochains jours.

M. Trudeau participera en effet à plusieurs rencontres en Asie dans les prochaines semaines : Sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est à Phnom Penh, au Cambodge, Sommet du G20 à Bali, en Indonésie, réunion des dirigeants économiques de la Coopération économique Asie-Pacifique à Bangkok, en Thaïlande, et Sommet de la Francophonie à Djerba, en Tunisie. Ce ne serait pas trop compliqué d’ajouter in extremis la COP27 à son programme. Qu’il en glisse un mot à son homologue britannique Rishi Sunak. Le premier ministre nouvellement nommé avait d’abord annoncé qu’il n’irait pas à la COP27, mais la grogne populaire l’a forcé à revoir ses plans. Avec raison. La crise climatique devrait être au sommet des priorités de tous les dirigeants politiques.

Oui, cela peut paraître contradictoire d’encourager un chef d’État à parcourir des milliers de kilomètres en avion pour sauver la planète. Mais la présence de M. Trudeau à ce sommet international a un poids symbolique qu’on aurait tort de négliger.

Vrai, le cynisme est élevé à l’endroit de ces grandes rencontres annuelles. Nombreux sont ceux et celles qui pensent, comme la Suédoise Greta Thunberg, que la COP est davantage un exercice d’écoblanchiment qu’un lieu où se prennent des engagements concrets.

Or les COP sont plus que du « bla bla bla », pour reprendre les mots de la jeune militante suédoise.

C’est la seule rencontre où les 197 dirigeants de la planète sont réunis au même endroit pour discuter du climat.

Et même si les pays industrialisés peinent à atteindre leurs cibles de réduction de GES, il faut se réjouir qu’on ait au moins réussi à s’entendre sur des objectifs. S’ils n’ont pas toujours été contraignants, ils obligent tout de même les gouvernements à une certaine transparence, car ils doivent faire la démonstration des efforts accomplis, et expliquer publiquement comment ils s’y prendront pour les atteindre. Sans la COP, jamais la communauté internationale ne se serait entendue sur une cible de réduction de 1,5 degré Celsius à Paris, en 2015.

Au cabinet du premier ministre, on a justifié l’absence de M. Trudeau en déclarant que « les leaders ne participent généralement pas à chaque sommet ». Or la liste des chefs d’État qui participeront à la COP27 est impressionnante. Outre le premier ministre britannique, on y retrouve le président français Emmanuel Macron, la nouvelle première ministre italienne Giorgia Meloni, le chancelier allemand Olaf Scholz et le président américain Joe Biden. L’absence de Justin Trudeau sera remarquée.

La délégation canadienne n’est pas orpheline pour autant. Elle sera dirigée par l’hypercompétent ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, un vieux routier des COP. Si sa présence est une bonne nouvelle, elle n’est pas équivalente à celle d’un premier ministre qui a le pouvoir de décider, de bonifier ses engagements ou de faire débloquer une impasse à la dernière minute.

Le même problème se posera avec la délégation québécoise qui sera dirigée par le ministre de l’Environnement Benoit Charette, et à laquelle se joindra le super-ministre de l’Économie et des Ressources naturelles, Pierre Fitzgibbon.

Le premier ministre Legault brillera lui aussi par son absence et on aurait envie de lui dire la même chose qu’à son homologue fédéral : votre présence est importante, elle envoie un message.

L’heure est grave pour la planète, et la présence des premiers ministres à cette conférence s’impose.

D’autant plus que la COP27 se déroule sur le continent africain, un coin du monde cruellement touché par les dérèglements climatiques. C’est un bien drôle de message qu’envoient nos premiers ministres en n’y allant pas. Les dirigeants représentant un pays riche, développé et pollueur ont le devoir moral d’aller écouter ce que les États africains, très vulnérables face aux catastrophes naturelles causées par la crise du climat, ont à dire.

Le thème de la justice sociale sera en effet au cœur de la COP27 où on discutera des pertes et des dommages provoqués par les dérèglements climatiques. Un groupe de pays dirigé par le Pakistan — victime l’été dernier d’inondations spectaculaires ayant tué plus d’un millier de personnes et causé des dommages évalués à plus de 30 milliards de dollars – réclame une aide financière des pays du G20 qui s’ajouterait au fonds de 100 milliards de dollars par an déjà prévu pour l’adaptation aux changements climatiques et la réduction des GES.

Or la contribution du Canada à ce fonds est trop modeste. En 2021, le Canada s’est engagé à consacrer 5,3 milliards de dollars sur cinq ans. À titre de comparaison, l’engagement total de l’Allemagne s’élève à 6 milliards d’euros minimum par année d’ici 2025. Un pays aussi nanti que le Canada peut et doit faire mieux

Au cours des 12 prochains jours, l’attention des médias internationaux sera tournée vers l’Égypte. Souhaitons que la COP27 contribue à mobiliser la population pour qu’elle pousse les gouvernements à en faire davantage. Au-delà des accords et des traités, c’est ce que la COP peut réussir de mieux.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait que les inondations au Pakistan avaient tué plus d’un million de personnes. Il aurait fallu lire « plus d’un millier ».