C’est jamais deux sans trois pour le président Xi Jinping, qui est désormais fort comme quatre.

Dans le cadre du 20e Congrès du Parti communiste chinois, qui vient tout juste de débuter, il obtiendra un troisième mandat historique. Il restera donc cinq ans de plus à la tête du pays. Au minimum.

Mais s’il y a une seule chose à retenir de tous ces chiffres, c’est que Xi Jinping est désormais, incontestablement, le dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao.

Il est aussi le commandant en chef d’une nation qui tutoie dorénavant les États-Unis… et rêve de les supplanter.

Cette grand-messe chinoise et son legs fondamental nous donnent l’occasion d’énoncer ce que beaucoup ont longtemps hésité à admettre, par naïveté ou par aveuglement volontaire : la Chine, avec Xi Jinping à sa tête, veut dominer le monde.

Ce qui est particulier, c’est qu’à l’instar des démocraties occidentales, l’empire du Milieu est convaincu de la supériorité de son modèle. Il cherche, lui aussi, à l’imposer.

Nous vivons dans une nouvelle ère géopolitique.

Un nouveau chapitre de l’histoire a débuté et cela nécessite une réaction plus ferme que cette nonchalance qui est la norme depuis longtemps au sein des sociétés occidentales face à l’ascension de la Chine et à la façon décomplexée dont elle exerce sa puissance.

Le Canada, faut-il le rappeler, n’a pas encore dévoilé sa politique pour l’Indo-Pacifique tant attendue. À l’issue d’une gestation trop pénible, elle devrait voir le jour au cours des prochains mois, dit-on à Ottawa.

Ce sera un test important pour la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly. Lucidité et fermeté, on l’espère, seront au rendez-vous.

Les fonctionnaires qui élaborent la future politique du Canada devraient jeter un œil sur la nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis, rendue publique le 12 octobre dernier.

La Chine y occupe une place centrale, aux côtés de la Russie.

Le diagnostic est le bon. Et le traitement proposé est approprié.

Abordons-les dans l’ordre.

On reconnaît que le comportement des deux pays représente le défi principal pour Washington (et par conséquent pour les démocraties occidentales, la paix et la stabilité de l’ordre international tel que nous le connaissons aujourd’hui).

Mais on admet aussi que la Russie n’est pas la Chine. La volonté de puissance est peut-être la même, mais les moyens de l’une et de l’autre ne se comparent absolument pas.

La Russie, c’est le petit boxeur teigneux qui s’en prend à des démocraties occidentales plus fortes que lui, pendant qu’à l’extérieur du ring, se trouve le rival chinois qui observe attentivement le déroulement du combat. Cet adversaire est beaucoup plus gros, plus fort et plus agile.

« La Russie pose une menace immédiate au système international libre et ouvert, alors qu’elle se moque de façon irresponsable des lois fondamentales de l’ordre international, comme sa guerre d’agression brutale contre l’Ukraine l’a démontré », lit-on dans le document de près de 50 pages.

« La République populaire de Chine, en revanche, est le seul concurrent qui a à la fois le désir de remanier l’ordre international et, de plus en plus, le pouvoir économique, diplomatique, militaire et technologique pour progresser vers cet objectif. »

On ajoute ensuite quelques détails cruciaux au sujet du pays de Xi Jinping et de ses ambitions.

On observe par exemple que la Chine « utilise fréquemment son pouvoir économique pour assujettir les pays » et « bénéficie de l’ouverture de l’économie internationale tout en limitant l’accès à son marché intérieur ».

En somme, « elle cherche à rendre le monde plus dépendant à l’égard de la République populaire de Chine tout en réduisant sa propre dépendance au monde ».

L’ancien leader Deng Xiaoping affirmait que son pays devait « cacher ses talents et attendre son heure ». Xi Jinping semble persuadé que cette heure est venue. Il veut rendre à la Chine sa grandeur.

Il ne lui manque qu’une casquette rouge sur laquelle il aurait fait inscrire Make China Great Again.

Comment, alors, se positionner vis-à-vis de cette nouvelle Chine ?

C’est certainement la question la plus importante à court, à moyen et possiblement à long terme en matière de relations internationales.

La réponse n’est pas simple. Elle impose aux États-Unis, au Canada et à leurs alliés au sein des démocraties libérales un délicat exercice d’équilibriste.

Il faut d’abord l’affronter, cette Chine. Avec fermeté. Elle n’hésite pas à « mener des activités qui sont une menace directe à notre sécurité nationale et notre souveraineté », comme l’a affirmé l’an dernier le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, David Vigneault. Courber l’échine n’est pas une option.

Mais il faut aussi, parallèlement, tenter de coopérer avec le dragon chinois.

« Nous serons toujours prêts à travailler avec la République populaire de Chine lorsque nos intérêts sont alignés. Nous ne pouvons pas laisser les désaccords qui nous divisent nous empêcher d’avancer quant aux priorités qui exigent que l’on travaille ensemble, pour le bien de nos peuples et du monde », indique l’administration de Joe Biden. On pense par exemple aux changements climatiques et aux menaces pandémiques.

Une main de fer dans un gant de velours, en quelque sorte.

Une feuille de route qui a de quoi inspirer le Canada.

En espérant que le régime chinois se montre lui aussi enclin à coopérer. Et que sa volonté de puissance et son désir de revanche ne l’aveuglent pas sur les risques réels d’un éventuel conflit avec l’Occident.