Nous faisons face à « un état d’urgence des océans ». C’est ce qu’a déclaré récemment le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, lors d’une conférence spéciale de l’ONU à leur sujet.

Il est urgent d’agir, mais on ne le répète pas assez souvent ni assez fort. Généralement, les océans sont dans notre angle mort. Même lorsque la question des changements climatiques est abordée.

C’est un peu normal, car si la situation est dramatique, elle est aussi, pour le commun des mortels, invisible.

On ne se rend pas compte, par exemple, de la vitesse fulgurante à laquelle les océans se réchauffent.

Des scientifiques d’ici ont sonné l’alarme récemment et on les en remercie. Leurs travaux sont éclairants. Et essentiels.

Il y a quelques semaines, Peter Galbraith, chercheur à l’Institut Maurice-Lamontagne (à Mont-Joli), a fait état de records de chaleur battus en 2021 dans les eaux profondes du golfe du Saint-Laurent.

D’autres chercheurs (Alfonso Mucci, Gwénaëlle Chaillou et Mathilde Jutras) ont alerté la population québécoise parce que les concentrations en oxygène dans les eaux profondes de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent diminuent de façon inquiétante.

Ce sont de très mauvaises nouvelles.

Les dégâts constatés dans les océans qui entourent le Canada (qui est le pays dont le littoral est le plus long du monde) ne sont pas une exception.

C’est plutôt la règle.

Partout sur la planète, les océans sont pillés, ravagés, et leurs écosystèmes se dérèglent.

L’ampleur de la chute de biodiversité dans les océans en est la preuve. Les chiffres sont accablants.

Les populations de poissons marins « ont diminué globalement de 38 % » au cours des quatre dernières décennies, alors que celles des vertébrés marins ont chuté de 22 %, selon des données citées par le professeur Philippe Archambault, du département de biologie de l’Université Laval1.

Rien de tout ça n’est étonnant, hélas. Les océans sont en sursis non seulement parce qu’on les pille, mais aussi parce que la composition chimique de la mer est en train de changer rapidement. Et c’est le résultat de l’activité humaine.

L’eau se réchauffe très vite et, de surcroît, s’acidifie. Parce qu’on rejette une quantité toujours plus grande de CO2 dans l’atmosphère. Le dioxyde de carbone, qui est absorbé par les océans, se dissout dans l’eau et produit de l’acide.

C’est d’autant plus grave que cette absorption représente actuellement le quart du CO2 qui se trouve dans l’atmosphère. Les océans ralentissent, par le fait même, le rythme des changements climatiques. Ils en atténuent les effets.

Les océans produisent aussi la moitié de notre oxygène. Et bien évidemment, ils nous nourrissent.

Beaucoup, y compris le Canada, estiment qu’il faut protéger au moins 30 % des océans de la planète d’ici 2030. Pour ce qui est des trois océans du Canada, nous sommes passés de 1 % en 2015 à 14 % à l’heure actuelle. C’est notable... mais insuffisant.

Par ailleurs, alors que l’importance d’obtenir des données scientifiques sur les changements en cours dans nos océans est indiscutable, certains experts estiment que les investissements du Canada ne sont pas à la hauteur de ses ambitions.

Il y a quelques mois, Jean-Michel Cousteau, fils du célèbre commandant Jacques-Yves Cousteau, a publié un essai biographique intitulé Sauvons nos océans. Cet octogénaire a passé sa vie à parcourir les mers. Rares sont ceux qui sont aussi bien placés pour constater à quel point leur état s’est détérioré.

Mais il n’a pas perdu espoir. Il est possible, notamment, « de faire revenir la vie dans nos océans », au prix d’efforts importants, soutient-il, citant en guise de preuve la création de nombreux sanctuaires marins.

Mais encore faut-il que la mobilisation pour la cause des océans – y compris la lutte contre les changements climatiques – soit efficace. Là-dessus, son message est simple. Il s’adresse à l’intelligence en énonçant une vérité incontournable. « Lorsque nous protégeons l’océan, nous nous protégeons nous-mêmes. »

1. Ces données se trouvent dans un essai intitulé La Terre, la vie et nous, auquel le professeur Archambault a contribué.