Le plus récent rapport de la firme McKinsey, La diversité au travail au Canada, est décourageant.

Malgré les beaux discours, les entreprises ne reflètent toujours pas la diversité de la société.

C’est simple, plus on grimpe les échelons et moins il y a de femmes. C’est encore pire pour les femmes de couleur. « Le monde du travail leur est carrément hostile », note l’auteure principale de l’étude, Sandrine Devillard, associée senior, qui se dit choquée par l’ampleur du phénomène. Un vrai parcours de combattante.

La firme de conseil en stratégie, qu’on ne peut quand même pas qualifier d’organisation « woke », a publié une première recherche sur la parité en 2017. Dans sa plus récente étude, les auteures s’intéressent à l’incidence de la COVID-19 en entreprise ainsi qu’à la représentation de la diversité dans 15 secteurs industriels. Ce qu’elles ont observé : que les femmes ont très peu progressé au cours des quatre dernières années.

On ne parle plus de plafond de verre, mais bien de murs de verre, présents à différentes étapes dans la carrière des femmes qui peinent à obtenir des promotions. Elles sont également plus susceptibles de subir des microagressions (c’est le terme utilisé par les auteures du rapport). La plus fréquente : se faire couper la parole, ce qui a un effet direct sur l’estime de soi. C’est une réalité pour 41 % des femmes cadres interrogées pour le sondage, contre 17 % pour leurs homologues masculins.

Et ce genre de comportement, les femmes le subissent longtemps dans leur carrière. « Il y a des femmes avec un long parcours professionnel qui subissent encore cela à 50 ans », note Isabelle Marquis, associée vice-présidente à L’effet A, un groupe qui fait la promotion de l’ambition féminine.

Et quand elles dénoncent la discrimination dont elles sont victimes, les femmes sont deux fois plus à risque d’être l’objet de représailles. Un terrible cercle vicieux.

Ce constat de la firme McKinsey, qui a sondé 5000 personnes dans 51 entreprises au pays, contredit l’idée reçue que l’« homme blanc hétéro » serait en danger. Que son hégémonie serait menacée. Qu’il n’y en aurait plus que pour « les minorités et les femmes ». C’est ce que prétendent ceux et celles qui critiquent les programmes d’action positive qui tentent de rétablir un certain équilibre en matière de diversité au sein des milieux de travail. En entreprise, en tout cas, c’est faux. Archi-faux.

Le boys club a la couenne dure. L’homme blanc se porte très bien merci, et les mêmes réseaux se reproduisent à l’infini. Les dirigeants ont beau parler de diversité, ils continuent de promouvoir des candidats qui leur ressemblent.

Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est une question de volonté ou de détermination. Les femmes ont presque autant d’ambition que les hommes à gravir les échelons. Selon l’étude de McKinsey, 30 % des répondantes aspirent à des postes de haute direction contre 37 % pour les hommes. Quand on veut, on peut ? Pas vraiment. En l’espace de cinq ans, la proportion des femmes dans des postes de gestionnaires et de cadres supérieurs est passée de 35 à 37 %. C’est encore bien peu. Et la COVID-19 pourrait avoir des conséquences néfastes : les femmes sont épuisées (41 % l’affirment contre 34 % des hommes). Elles ont assuré plus que les hommes pendant la pandémie et sont aujourd’hui deux fois plus susceptibles que leurs confrères de ralentir ou carrément de quitter leur emploi.

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? L’absence de réelle volonté de la part des dirigeants qui parlent de diversité et d’inclusion sans vraiment y croire. « Paroles et paroles et paroles… », chantait Dalida à Alain Delon.

Plus des deux tiers (70 %) des patrons sondés par McKinsey ont répondu que la diversité, l’équité et l’inclusion étaient des priorités pour leur entreprise. Mais quand on a posé la question à leurs employés, ils ont été moins nombreux (35 %) à croire que leur dirigeant avait traduit cette volonté en mesures concrètes.

Or, tous les spécialistes des questions de diversité en entreprise vous le diront : c’est du sommet que doit provenir le changement. Quand un président d’entreprise décide de faire la promotion de la diversité, et qu’il prend des décisions en ce sens, les changements s’opèrent. Mais encore faut-il avoir le courage d’initier la conversation. Une conversation difficile parce qu’elle demande à un groupe de la société de renoncer à certains privilèges et de partager le pouvoir.

Comment y arriver ?

« Il faut lier la rémunération des patrons aux objectifs de diversité et d’inclusion », croit Isabelle Marquis, de L’effet A. La reddition de compte, c’est ce qui change la donne. Sinon, on en reste aux vœux pieux. Mme Marquis rappelle qu’au bout du compte, tout le monde est gagnant puisqu’une plus grande diversité au sein d’une entreprise a un effet direct – et démontré par plusieurs études – sur la performance et l’innovation. En d’autres mots, la diversité, c’est payant. Autre point positif : la promotion de la diversité et de l’inclusion a un effet positif sur la rétention du personnel, un défi pour tous les employeurs à l’heure actuelle.

Le message est donc lancé à toutes les entreprises et à leurs dirigeants : assez parlé, agissez maintenant !